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Fichiers de police : lorsque la sécurité nie le droit au travail

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La loi reste le produit de son temps. C’est en 1995, année de l’attentat dans la station RER Saint-Michel, qu’est donné naissance au Système de Traitement des Infractions Constatées, plus communément appelé le STIC. Ce fichier policier, entièrement informatisé, a pour vocation de répertorier toute personne ayant été concernée de près ou de loin par…

La loi reste le produit de son temps. C’est en 1995, année de l’attentat dans la station RER Saint-Michel, qu’est donné naissance au Système de Traitement des Infractions Constatées, plus communément appelé le STIC.

Ce fichier policier, entièrement informatisé, a pour vocation de répertorier toute personne ayant été concernée de près ou de loin par une procédure judiciaire. Présenté comme un outil indispensable de lutte contre la criminalité, il a vu son contenu s’élargir à chaque événement réclamant le durcissement par le gouvernement de sa politique en matière de sécurité. C’est ainsi que le législateur a considérablement favorisé le développement de ces fichiers par la loi n°2001-1062 sur la sécurité quotidienne de 2001 promulguée quelques semaines après l’attentat du 11 septembre, et par la loi 2003-239 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure s’inscrivant, quant à elle, dans le prolongement d’une campagne présidentielle centrée sur la hausse inquiétante de la délinquance.

Cependant, l’histoire se répète : chaque fois qu’un Etat fait le choix de privilégier les impératifs de sécurité, ce sont les libertés individuelles et les droits des citoyens qui en pâtissent. Des méfaits d’une politique sécuritaire, le STIC nous en fournit un grand nombre d’exemples : atteintes à la vie privée, à la présomption d’innocence, au droit à l’oubli,… et au droit au travail. Quelques mentions injustifiées, erronées figurant dans le STIC, et le salarié se voit privé d’emploi pour des raisons « opaques » de sécurité publique. Dès lors, les licenciements ou refus d’embauche suite à une enquête administrative défavorable reposant sur la consultation des fichiers de police se multiplient.

Au-delà du secteur public, de nombreux emplois au sein des entreprises privées nécessitent une autorisation, une habilitation ou un agrément de la part des autorités administratives aux fins, par exemple, de posséder un port d’arme ou de se voir autorisé à pénétrer sur une zone aéroportuaire protégée. Ainsi, en vertu de la loi n°83-269 du 12 juillet 1983, l’accès aux postes de convoyeurs, agent de sécurité RATP, police ferroviaire de la SNCF, est contrôlé par l’autorité préfectorale compétente. L’agent d’entretien dans les zones aéroportuaires réglementées doit lui aussi obtenir ou conserver son autorisation d’accès.

On constate aujourd’hui que le STIC donne lieu à de condamnables dérives résultant de la combinaison malheureuse d’un pouvoir discrétionnaire laissé aux autorités publiques en matière de sécurité, à la gestion défectueuse, voire laxiste, de fichiers contenant des données extrêmement sensibles.

Le danger n’est pas anodin : les fichiers sont de plus en plus nombreux et diversifiés. Le STIC et le JUDEX (version de la gendarmerie) sont les plus connus, mais on peut citer aussi le STIC-Canonge (version photographique), les fichiers des renseignements généraux, de la direction de la surveillance du territoire (DST) ou de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le FAED (pour les empreintes digitales), le FNAEG (identification par empreintes génétiques) ou encore le SIS (Système d’information Shengen).

Si les fichiers se multiplient, leur utilisation est également de plus en plus fréquente. Pour exemple, le STIC a fait l’objet de 6.746.000 consultations en 2001 contre seulement 3.919.000 en 1998. Le nombre de saisine de la CNIL montre lui aussi une augmentation forte des demandes de droit d’accès direct puisqu’en 2003, 1163 requêtes ont été reçues contre 243 en 1995.

Avec la mise à contribution de plus en plus fréquente des fichiers policiers, les atteintes aux libertés deviennent légion. Le législateur a créé un instrument qui peut s’avérer dangereux par son utilisation obscure par les autorités publiques et les dysfonctionnements dans sa gestion.

En effet, le STIC comporte tout d’abord un système de collecte de données sensibles qui heurte nombre des principes fondant notre démocratie et notre Etat de droit. Ce fichier policier comporte des informations sur les suspects ou auteurs d’infraction, le mode opératoire des délinquants, ainsi que sur le type d’infraction, le dommage subi et l’identité des victimes. Les informations collectées sont donc très diverses.

Des personnes sont donc fichées alors même qu’elle n’ont pas été poursuivies par le ministère public ou reconnues coupables par les tribunaux, niant ainsi tout droit à la présomption d’innocence. Les mentions présentes ne sont pas alimentées par la justice mais par de simples comptes rendus d’enquête établis par les officiers de police ou gendarmerie de chaque unité se basant sur des « indices graves et concordants rendant vraisemblable la participation d’une personne à une infraction ». Vraisemblable…

La faiblesse du STIC n’est pas seulement présente au stade de son alimentation. Les difficultés persistent lors de son contrôle, de sa gestion dans le temps. En vertu du décret n°2001-583 du 5 juillet 1991, la mise à jour est contrôlée par le Parquet qui se trouve déjà surchargé par de nombreuses autres missions jugées à juste titre prioritaires. C’est ainsi que les erreurs se multiplient : de nombreuses condamnations amnistiées figurent encore dans les fichiers, les faits se trouvent parfois déformés (la perte d’un passeport se transforme en « falsification de documents administratifs »), certaines victimes se trouvent mentionnées en tant qu’auteur…etc. Il est difficilement concevable qu’un fichier aussi dangereux pour les libertés de chaque citoyen fasse l’objet d’une gestion aussi peu fiable…

Enfin, ces bases de données sensibles élaborées par la police font l’objet d’une utilisation très opaque par les autorités publiques qui se refusent de manière générale à communiquer à la personne concernée les motifs de sa décision.

Or, on doit rappeler le principe posé par l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés : « Aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d’informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l’intéressé ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 mars 2003 sur les fichiers de la police judiciaire, pressentant les dangers de telles consultations administratives, a précisé clairement « que les données recueillies dans les fichiers ne constitueront donc, dans chaque cas, qu’un élément de la décision prise, sous le contrôle du juge, par l’autorité administrative ».

Face à l’inertie de l’administration et son utilisation controversée des fichiers policiers, que reste-t-il au travailleur licencié ou dans l’impossibilité d’accéder à son nouveau poste suite à une décision administrative négative ?

La patience et la persévérance…

Il doit tout d’abord s’adresser à la CNIL, ainsi qu’au procureur de la République afin de pouvoir accéder aux mentions le concernant et envisager une éventuelle rectification ou suppression de sa fiche. La démarche est longue et fastidieuse, mais semble-t-il incontournable.

Les demandes gracieuses et recours hiérarchiques se heurtant le plus souvent à un nouveau refus, seule la saisine en parallèle de la juridiction administrative aux fins d’obtenir l’annulation de la décision concernée reste envisageable. Même si les tribunaux administratifs ne sont pas toujours enclins à faire droit à de telles demandes, certains magistrats se montrent sensibles à la remise en cause de nos libertés… c’est ainsi que certains salariés ont pu retrouver leur emploi après plusieurs mois de bras de fer avec les autorités publiques.

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