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Droit d’auteur et société de l’information : une synthèse

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L’avénement du numérique bouleverse tant la diffusion des oeuvres protégées par la loi que leur protection au titre du droit d’auteur ou des droits voisins (artistes, producteurs, organismes de radiodiffusion). Ainsi, sur l’internet (et demain les réseaux mobiles de troisième génération), une infinité d’oeuvres circule en permanence, qui sont la plus souvent susceptibles d’être protégées…

L’avénement du numérique bouleverse tant la diffusion des oeuvres protégées par la loi que leur protection au titre du droit d’auteur ou des droits voisins (artistes, producteurs, organismes de radiodiffusion).

Ainsi, sur l’internet (et demain les réseaux mobiles de troisième génération), une infinité d’oeuvres circule en permanence, qui sont la plus souvent susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur et les droits voisins.

Il est aujourd’hui à la portée de tous d’écouter la radio sur internet (www.comfm.com), de regarder la télévision (www.broadcast-live.com), de visionner des films (www.filmspeed.com/), de s’échanger des fichiers musicaux (www.napster.com), d’accéder à des archives de journaux en ligne (www.echonet.be), etc.

Toutefois, dans l’univers « digital », les oeuvres peuvent être copiées instantanément et à l’identique, dans des conditions de qualité égale à l’original numérique.

C’est pourquoi le droit d’auteur est devenu l’un des défis majeurs de la société de l’information.

La Commission européenne l’a bien compris puisqu’elle a entrepris dès 1997 un vaste chantier législatif en vue de l’adoption d’une directive européenne visant à harmoniser le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information.

Après un parcours laborieux et un lobbying intense, le texte final a été adopté le 9 avril dernier (voir position commune sur ce site).

Le bilan est mitigé : si la directive renforce la protection du droit d’auteur et des droits voisins sur plusieurs points, elle ne rencontre toutefois pas son objectif prioritaire : assurer une harmonisation suffisante entre les législations des Etats membres.

La directive, qui doit être transposée dans les 18 mois de sa publication au Journal Officiel (prévue pour début juin), modifiera et complétera l’arsenal législatif existant dans les Etats membres (en Belgique, il s’agira de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, ci-après « LDA », en France du Code de la propriété intellectuelle, ci-après « CPI ») ainsi que plusieurs autres directives européennes (par exemple la directive du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, qui s’applique de manière large sur l’internet, notamment aux rubriques de liens hypertextes).

Les prérogatives de l’auteur et des titulaires de droits voisins

L’auteur d’une œuvre bénéficie d’une série de prérogatives, auxquelles sont attachées certaines exceptions.

Les prérogatives sont de deux types: les droits patrimoniaux (qui permettent à l’auteur de retirer le bénéfice économique de l’exploitation de son œuvre) et les droits moraux (qui protégent les intérêts liés à la personnalité de l’auteur).

Les titulaires de droits voisins bénéficient de prérogatives à peu près similaires, même si elles sont parfois « atténuées ».

Au sein des droits patrimoniaux, l’on distingue:

(1) le droit de reproduction au sens strict

(2) le droit de communication au public, et

(3) les autres attributs du droit de reproduction (notamment le droit de destination ou de distribution),

Le droit de reproduction au sens strict

Le droit de reproduction est consacré par la nouvelle directive en son article 2, tant au profit des auteurs que des artistes, producteurs et organismes de radiodiffusion . Afin de mettre fin à une controverse qui a pu naître dans certains Etats membres, la directive précise en outre que le droit de reproduction s’applique de la même manière aux reproductions provisoires (mais une exception est instaurée au profit de certaines reproductions provisoires « techniques », que nous examinerons infra).

Droit de communication au public:

Traditionnellement, la faculté pour l’auteur de contrôler la communication au public de son œuvre vise la transmission d’une œuvre à un public relativement passif, qui ne choisit pas les œuvres qu’il entend ou visionne. Sont ainsi visés: les salles de concert, les cinémas, les théâtres etc…

L’internaute est, quant à lui, un personnage actif : seul devant son écran, il a la faculté de choisir l’œuvre qu’il désire voir ou écouter.

Ainsi, dans certains Etats membres, un doute a pu exister sur l’applicabilité du droit de communication aux oeuvres transmises à la demande.

La directive lève tout doute à cet égard puisqu’elle crée un nouveau droit au profit des auteurs: celui de « mise à la disposition du public de leurs oeuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ».

Les titulaires de droits voisins bénéficient d’un droit similaire.

Droit de distribution ou de destination:

Ce droit vise à permettre au titulaire d’une œuvre de contrôler non seulement l’œuvre elle-même, mais aussi les exemplaires de celle-ci.

C’est ainsi que la directive prévoit en son article 4.1 que «  les Etats membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou copies de celles-ci. »

Au contraire du droit de communication au public, le droit de distribution ne s’applique qu’aux exemplaires tangibles de l’œuvre ou de la prestation (objet matériel).

L’article 4.2 consacre en outre la notion d’épuisement communautaire du droit d’auteur : « Le droit de distribution dans la Communauté relatif à l’original ou à des copies d’une œuvre n’est épuisé qu’en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement »

L’un des considérants de la directive précise que l’épuisement communautaire ne s’applique pas aux services en ligne : le droit de distribution sera épuisé en cas de vente autorisée d’un CD via un site web mais pas en cas de téléchargement du même album sur l’internet…

Les exceptions aux droits d’auteur et droits voisins sur l’internet

Le régime des droits d’auteur et des droits voisins est assorti d’une série d’exceptions, qui visent à réaliser un juste équilibre entre la protection d’une œuvre et sa nécessaire diffusion.

La directive comporte 21 exceptions, dont une seule est obligatoire pour les Etats membres : l’exception dite « pour copie provisoire purement technique ».

En effet, toute diffusion sur le Net implique une multitude de reproductions provisoires, tant sur les systèmes de transmission utilisés par les intermédiaires techniques (caching) que par les navigateurs utilisés par les internautes (browsing) qui effectuent à chaque visite de sites web des reproductions temporaires de ceux-ci.

En principe, il s’agit de reproductions provisoires, visées par l’article 2 de la directive, et qui nécessiteraient donc l’autorisations de l’auteur…

C’est pour échapper à pareille absurdité que le législateur européen a prévu une exception obligatoire au droit d’auteur :

« Les actes de reproduction provisoires (visés à l’article 2), qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique, ayant pour unique finalité de permettre: a) une transmission dans un réseau entre tiers par un intermédiaire, ou b) une utilisation licite d’une œuvre ou d’un objet protégé, et qui n’ont pas de signification économique indépendante, sont exempté du droit de reproduction prévu à l’article 2. »

Formulation particulièrement indigeste, qui ne manquera pas de susciter des problèmes d’interprétation : comment comprendre les termes sybillins de « partie intégrante et essentielle d’un procédé technique » et de « signification économique indépendante » ?.

Outre cette exception obligatoire, la directive prévoit une série d’exceptions facultatives telles que la copie pour usage privé, la reproduction par des bibliothèques ou des établissement d’enseignement, le compte-rendu d’événement d’actualité, la critique, la caricature, ainsi que des exceptions plus originales comme l’utilisation d’œuvres utilisées au cours de cérémonies religieuses ou au cours d’une démonstration de matériel…

Ce faisant, le législateur européen a manqué son objectif d’harmisation : voulant satisfaire tout le monde, il s’est en réalité contenté de dresser une liste quasi exhaustive des exceptions déjà prévues par les divers Etats membres, ceux-ci étant autorisés à choisir « à la carte » celles qui leur convient…

Pourtant, une autre voie aurait pu être tentée : aux Etats-Unis, les reproductions d’œuvres protégées sont autorisées sans l’accord de l’auteur si l’utilisateur invoque avec succès un « juste motif » (« fair use »).

Il s’agit donc d’un régime prévoyant une exception générale unique dont la finalité est de réaliser, à la lumière des critères fixés par la loi, un juste équilibre entre les intérêts de l’auteur et le droit à l’information dont jouit l’utilisateur de bonne foi.

Certes, pareil régime induit une relative insécurité juridique mais sa souplesse est un avantage indéniable dans un univers technologique en perpétuel devenir. En outre, le législateur européen aurait pu invoquer un précédent : l’exception du « juste motif » existe déjà dans le droit des marques.

La copie privée

L’essor de l’internet et du numérique influence fortement le régime de la copie privée. En effet, la qualité le copie numérique est excellente, de sorte qu’il sera bien souvent impossible de faire la distinction entre un original numérique et sa copie.

La grande diffusion des moyens d’enregistrement numérique (graveurs, logiciels divers et formats pratiques tels que le MP3) ont, quant à eux, particulièrement favorisé l’augmentation du nombre de ces copies, à tel point que des voix se sont élevées pour supprimer purement et simplement l’exception relative à la copie privée…

En droit belge, l’exception de copie privée fait l’objet d’un régime extrêmement complexe, qui diffère selon le type d’œuvre concernée. Ainsi, s’agissant des œuvres sonores et audiovisuelles, les reproductions effectuées « dans le cercle de la famille et réservées à celui-ci » sont autorisées.

Par contre, la copie privée d’oeuvres textuelles numérisées n’est pas prévue, de sorte que l’internaute commet en principe une contrefaçon dès qu’il visite un site web à contenu textuel… Par contre, le droit de communication est soumis à un exception générale qui autorise la communication gratuite et privée effectuée dans le cercle de famille.

La directive européenne a maintenu une exception (facultative) de copie privée « lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non-application des mesures techniques visées à l’article 6 aux oeuvres ou objets concernés« 

La copie privée est donc subordonnée à l’octroi au profit de l’auteur d’une compensation équitable. La France s’est déjà engagée dans la voie de la taxation des supports d’enregistrement numériques amovibles (CD-Rom…), et envisage de taxer les disques durs d’ordinateur, tandis que le gouvernement britannique a d’ores et déjà déclaré qu’il ne taxerait pas ces supports…

C’est que la polémique fait rage entre, d’un côté, les auteurs et éditeurs, évidemment favorables à l’instauration d’une « compensation équitable » en leur faveur, et de l’autre les industriels et consommateurs, qui y voient une mesure disproportionnée au motif que les supports d’enregistrement numériques servent à bien d’autre chose qu’à la copie d’oeuvres protégées.

Protection des mesures techniques

Mots de passe, tatouage des œuvres, dongles…sont autant de moyens techniques utilisés pour protéger les œuvres contre les accès ou les copies non autorisées.

La directive met en place un système de protection juridique « contre le contournement de toute mesure technique efficace ». Ainsi, les hackers et autres pirates d’oeuvres protégées techniquement seront visés mais aussi les sites internet qui mettent à disposition des outils conçus pour le piratage, puisque la directive prohibe « la fabrication, l’importation, la distribution , la vente, la location, la publicité (..) de dispositifs, produits ou composants ou la prestation de services « , qui de manière générale permettent ou facilitent le détournement de la protection.

Et Napster ?

Chacun connaît Napster et ses péripéties judiciaires aux Etats-Unis.

Napster n’est en réalité que le premier d’une longue liste de systèmes qui permettent l’échange gratuit de fichiers sonores ou vidéo sur l’internet (systèmes appelés « peer-to-peer », tels que celui proposé par le site http://gnutella.wego.com/).

Qu’en est-il de la responsabilité des intermédiaires de type Napster si l’on applique nos principes juridiques ?

Selon certains, une responsabilité pourait être trouvée sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun (article 1382 du Code Civil), voire sur celui de la complicité de contrefaçon, dans la mesure où Napster aurait développé en connaissance de cause un dispositif technique dont le but principal était de permettre l’échange de fichiers musicaux en violation du droit d’auteur et des droits voisins.

Selon d’autres, les intermédiaires du type Napster devraient pouvoir bénéficier par analogie d’un régime de responsabilité tel que tel que fixé par la directive sur le commerce électronique en faveur des hébergeurs

Cette thèse s’inscrit dans un mouvement actuel visant à étendre le régime d’exonération de la directive sur le commerce électronique à d’autres types d’intermédiaires sur l’internet (éditeurs de forums de discussion, de fournisseurs d’outils de recherche, de liens hypertextes etc.).

En Allemagne, un procureur a d’ailleurs récemment adhéré à cette thèse en classant sans suite des poursuites contre le site www.yahoo.de, qui avait permis la vente sur son module d’enchère en lignes du livre interdit « Mein kampf ».

Le procureur a en effet estimé que seul celui qui publie l’offre à caractère raciste est coupable et non le portail, dès lors qu’il est intervenu comme simple éditeur d’un services dont il ne contrôle pas le contenu… (voir sur cette affaire notre actualité)

Article paru dans L’Echo du 17 mai 2001

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