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Attention : liberté d’expression pourrait bien s’user à l’usage !

Publié le par - 79 vues

La Cour d’appel de Paris a reconnu le 7 octobre dernier à Bertrand Cantat, soupçonné d’avoir provoqué la mort de sa compagne Marie Trintignant, le droit à la présomption d’innocence en ordonnant aux éditions Fayard l’insertion d’un encart dans le livre de Nadine Trintignant, « Ma fille, Marie », sur lequel est désigné à 85…

La Cour d’appel de Paris a reconnu le 7 octobre dernier à Bertrand Cantat, soupçonné d’avoir provoqué la mort de sa compagne Marie Trintignant, le droit à la présomption d’innocence en ordonnant aux éditions Fayard l’insertion d’un encart dans le livre de Nadine Trintignant, « Ma fille, Marie », sur lequel est désigné à 85 reprises le chanteur par le terme « meurtrier ».

Bien que la vente du livre de Nadine Trintignant n’ait pas été interdite, depuis six mois deux exemples de suspension de la commercialisation d’un livre invite à s’interroger sur la fin d’un tabou, tant il est vrai que l’époque récente offre peu d’exemples d’interdiction de publication d’un journal ou d’un livre.

Ainsi, le jugement rendu le 5 septembre 2003 par le Tribunal de grande instance de Paris, qui a donné raison à Grasset contre Albin Michel et Shan Sa, a fait purement et simplement interdiction à l’éditeur de commercialiser le dernier roman de l’écrivain.

Cette affaire fait écho à la polémique lancée au printemps dernier sur la suspension de la publication du dernier livre de Madame Eva Joly, « Est-ce dans ce monde que nous voulons vivre ? » (éd. Les Arènes), qui fait une large part aux coulisses de l’affaire Elf.

Le Président du Tribunal de grande instance de Paris avait interdit à l’éditeur d’Eva Joly de publier le livre de l’ancien magistrat, sans même l’avoir lu, avant la clôture des débats du procès Elf, le 7 juillet 2003, aux motifs qu’il portait atteinte à la présomption d’innocence et aux principes directeurs du procès pénal.

Faut-il craindre une rupture dans la jurisprudence qui répugne (ou répugnait) au prononcé de telles mesures et ne les réserve pourtant que dans des cas exceptionnels ?

On se souvient tous de l’interdiction du livre du Docteur Gubler, « Le Grand Secret » (éd. Plon), prononcée à la demande de la famille de François Mitterrand, pour abus caractérisé de la liberté d’expression à l’origine d’un trouble illicite.

On n’interdit pas un livre, un journal, sans porter gravement atteinte aux fondements même de la démocratie.

« La presse et la librairie sont libres » nous dit l’article 1 de la loi du 29 juillet 1881 qui protège avec toute son efficacité en France depuis plus de 100 ans la liberté de pensée et de diffuser la pensée des citoyens.

Pourtant, même en démocratie, il n’est pas question de tout dire ou de tout écrire.

Non seulement, certains thèmes ou débats sont illégaux par leur objet même, le négationnisme est ainsi un délit, mais encore il est très fréquemment demandé aux juges et aux juristes en général d’arbitrer entre des intérêts, des principes et des libertés qui s’affrontent, pour laisser publier ou au contraire interdire.

La Cour européenne des droits de l’homme, amenée fréquemment à se pencher sur la question, estime ainsi que le principe de la liberté de l’information d’une part, et celui de la protection de la vie privée d’autre part, détiennent la même force et la même portée, qu’ils sont en quelque sort à égalité, et que selon les circonstances concrètes et précises du moment et de l’affaire, l’un l’emportera sur l’autre, et réciproquement.

La présomption d’innocence, l’honneur et la considération des individus, ou même des sociétés commerciales, sont autant de limites à la liberté d’exprimer ses idées.

Et c’est à chaque fois un débat passionnant que de rechercher pourquoi et comment telle ou telle norme fondamentale de notre droit devra l’emporter et pourquoi.

Avant que l’affaire Shan Sa ne quitte l’actualité, il est urgent de ne pas se laisser impressionner, comme citoyen, par la mesure prononcée (l’interdiction d’un livre) pour ne pas garder de celle-ci le souvenir d’un exemple (de plus ?) de la liberté menacée.

D’une part, mais c’est bien sûr insuffisant, il s’agit d’un combat opposant deux éditeurs et on peut faire crédit à Grasset qui a initié la procédure, de ne pas militer en défaveur de la liberté de création.

Ensuite, si l’on se réfère, non au débat public et passionné des protagonistes, mais au seul jugement du tribunal, Shan Sa a conclu successivement, à près d’un an d’intervalle, deux contrats de cession des droits sur son futur roman, le premier avec Grasset, le second avec Albin Michel. C’est finalement à ce dernier qu’elle remettra son manuscrit pour qu’il le publie à la rentrée littéraire 2003.

Elle n’a pas convaincu lorsqu’elle a soutenu avec Albin Michel que l’œuvre visée par le premier contrat d’édition était distincte de l’« Impératrice » remise à Albin Michel.

Ils n’ont pas convaincu non plus lorsqu’ils ont soutenu que seul le second contrat était juridiquement valable et qu’elle était légalement autorisée à revenir sur l’accord conclu avec Grasset.

Ils n’ont pas convaincu enfin lorsqu’ils ont plaidé que la liberté de création et d’expression était malmenée et finalement méconnue.

Certains livres sont interdits.

Il serait toutefois dangereux de se tromper de débat.

La liberté invoquée est trop fondamentale et finalement trop fragile pour servir à chaque fois d’argument.

Il y a d’autres combats, tout à fait légitimes, qu’il n’est pas déshonorant de mener.

La liberté de choisir son cocontractant, le respect du contrat valablement conclu, les grands principes d’interprétation des conventions sont autant de grandes causes juridiques qui ont toutes leur place dans les contentieux qui s’y prêtent, y compris lorsqu’ils naissent dans le milieu littéraire.

Il faut le dire, on peut interdire un livre sans que la liberté proclamée avec force par plusieurs conventions internationales et par l’article 1 de la loi du 29 juillet 1881 ne soit en réalité menacée.

Le premier éditeur en date a été préféré par le tribunal au second, et il n’y a rien d’illogique, ni de choquant à cela.

Un arrangement a étévé entre eux et c’est tant mieux : il est vraisemblable qu’il aurait été fort difficile pour Grasset de reprendre la diffusion de l’« Impératrice ».

Mais, l’interruption de sa publication n’a rien à voir avec la censure tant redoutée…

Plus d’infos

En prenant connaissance de la décision du 5 septembre 2003 (affaire Shan Sa ), en ligne sur notre site

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