Cabinet d’avocats franco-belge, moderne et humain,
au service de la création et de l’innovation

9 pôles d’activités dédiés au
droit de la création et de l’innovation

Nos activités scientifiques & académiques

Faisons connaissance !

Un procès en vue ?
Lisez le guide destiné à mieux vous préparer

Le portail du droit des technologies, depuis 1997
Powered by

Un site pour tout savoir sur le RGPD
Powered by

Tax Shelter : où en est-on ?

Publié le par - 2547 vues

Reprenant une proposition de loi du sénateur Monfils, la loi-programme du 2 août 2002 a introduit dans le Code des Impôts sur les revenus un article 194ter en vertu duquel une société belge (ou un établissement belge d’une société étrangère) participant au financement d’une œuvre audiovisuelle agréée peut bénéficier, à certaines conditions et dans certaines…

Reprenant une proposition de loi du sénateur Monfils, la loi-programme du 2 août 2002 a introduit dans le Code des Impôts sur les revenus un article 194ter en vertu duquel une société belge (ou un établissement belge d’une société étrangère) participant au financement d’une œuvre audiovisuelle agréée peut bénéficier, à certaines conditions et dans certaines limites, d’une exonération de ses bénéfices imposables à concurrence de 150% des sommes investies. Par période imposable et par société, le maximum déductible s’élève à 750.000 € avec comme maximum 50% des bénéfices imposables de la société investisseuse. En d’autres termes, une société qui réalise un bénéfice avant impôt de 1.500.000 € peut investir le tiers, soit 500.000 €, dans la production cinématographique et réaliser une économie d’impôt égale à (750.000 € x 33,99%) = 254.925 €.

En contrepartie de l’avantage fiscal octroyé, la loi oblige la société de production qui bénéficie de ce financement « subsidié » à dépenser en Belgique au moins 90% des sommes ainsi investies.

Conformément aux dispositions du droit européen en matière d’ « aides d’Etat », la Belgique devait toutefois notifier la nouvelle mesure à la Commission Européenne et ne pouvait la mettre à exécution avant que la Commission ne donne son approbation. Par prudence, le législateur de 2002 avait dès lors prévu de fixer ultérieurement par arrêté royal l’entrée en vigueur du nouvel article 194ter.

Dans sa version initiale de 2002, l’article 194ter prévoyait que le maintien de l’exonération était notamment soumis à la condition que les droits acquis par les entreprises investisseuses en échange de leur investissement ne puissent pas être cédés. La Commission a considéré que cette condition était incompatible avec le principe de libre circulation des capitaux, des biens et des services et a par conséquent demandé à la Belgique de modifier sa législation sur ce point. Sous cette réserve, la Commission a donné son approbation.

Le 3 mai 2003, soit juste avant les élections (et le Festival de Cannes), le gouvernement a pris un arrêté royal rendant la nouvelle mesure applicable à partir de l’exercice d’imposition en cours. Dans le rapport au Roi précédant cet arrêté, le gouvernement s’est par ailleurs engagé, de manière un peu hardie, à faire adopter par le futur parlement issu des urnes la modification législative indispensable pour rendre le « tax shelter » belge conforme au droit européen..

Finalement, la modification législative exigée par la Commission Européenne a été inscrite dans la loi-programme du 22 décembre 2003.

La récente proposition de loi

Dans le régime actuel issu de la loi-programme de 2003, l’exonération accordée aux entreprises investisseuses n’est pas définitive.

En effet, le § 4 dispose, entre autres, que le maintien de l’exonération est subordonné à la condition que les bénéfices immunisés restent comptabilisés à un compte distinct du passif du bilan et ne servent pas de base au calcul de rémunérations ou attributions quelconques. Cette condition dite « d’intangibilité » a notamment pour conséquence que les bénéfices ainsi exonérés ne peuvent pas être distribués à l’actionnaire sous forme de dividendes, à peine de perdre l’exemption.

De l’avis unanime des intéressés, la condition d’intangibilité constitue un frein à l’investissement des entreprises. La Commission Européenne considère cependant que le passage d’une exemption provisoire – fût-elle non limitée dans le temps – à une exemption définitive implique l’obligation d’obtenir à nouveau son approbation préalable, conformément aux dispositions du droit européen en matière d’aides d’Etat.

Le 6 janvier dernier, huit députés représentant les quatre partis de la majorité ont par conséquent annoncé, au cours d’une conférence de presse, le dépôt prochain d’une proposition de loi, visant, entre autres, à la suppression de la condition d’intangibilité.

L’attitude qu’adoptera la Commission à l’égard de cette proposition de loi est évidemment la grande inconnue. Or, celle-ci a annoncé ce 8 janvier, par la voix du porte-parole du Commissaire Reding, qu’elle devait revoir en 2004 l’ensemble des règles d’appréciation des aides octroyées par les différents Etats membres en matière cinématographique et télévisuelle. Au cœur du débat se trouve la question du lien entre l’aide octroyée par un Etat membre et l’obligation imposée au producteur qui bénéficie de l’aide de dépenser un certain montant sur le territoire de cet Etat membre. Le risque est dès lors grand de voir la Commission subordonner toute nouvelle modification de la loi belge à l’abandon de tout ou partie de la condition de dépenses en Belgique, ce qui serait difficilement acceptable pour le Gouvernement belge.

Beaucoup de producteurs belges attendent aussi la Commission au tournant et se demandent particulièrement quelle sera sa réaction face au récent « coup de force » de la France. Incapable de maintenir le déficit de ses finances publiques dans les limites prévues par le pacte de stabilité, la France a pourtant généreusement accordé, à partir de janvier 2004, un crédit d’impôt (500.000 € pour un film de fiction ou documentaire ; 750.000 € pour un film d’animation) à tout producteur délégué de film agréé qui réalise l’essentiel de ses dépenses de tournage et de postproduction en France. Il semblerait que cette mesure n’ait pas obtenu l’approbation de la Commission et devrait dès lors être considérée comme une aide d’Etat illégale, avec la conséquence que le remboursement devra en être demandé aux sociétés de production qui en ont bénéficié.

En pratique

Une conclusion s’impose : la législation belge sur le « tax shelter » évoluera encore dans un proche avenir.

Rien n’empêche cependant les sociétés de production et les investisseurs de conclure dès à présent des conventions de « tax shelter » sous le régime de l’article 194ter C.I.R., tel qu’il a été modifié par la loi-programme de 2003. L’avantage accordé par le texte actuel est en effet déjà très attrayant ; il est en outre conforme au droit européen et ne pourra pas être remis en cause pour le passé si, d’aventure, l’environnement réglementaire européen devait être prochainement modifié.

En revanche, si la récente proposition de loi est adoptée et si la Commission Européenne marque son accord sur la modification envisagée par cette proposition de loi, le caractère définitif de l’exemption constituera alors un avantage supplémentaire accordé aux investisseurs. De plus, cet avantage supplémentaire devrait également bénéficier aux investisseurs qui auront conclu des conventions de « tax shelter » sous le régime actuel, tel qu’il est issu de la loi-programme de décembre 2003.

Déjà des résultats positifs ?

Jusqu’à présent, très peu de conventions « tax shelter » ont été signées. La plupart des investisseurs ont en effet préféré attendre l’adoption de la loi-programme du 22 décembre 2003 avant de s’engager.

Faut-il parler d’échec ? Loin s’en faut.

L’on ressent d’ailleurs depuis le début de l’année une grande effervescence chez tous les professionnels du secteur et beaucoup de projets devraient aboutir dans les prochains mois. En outre, depuis 2002, le « tax shelter » belge a déjà produit, de manière indirecte, des effets non négligeables. Des grandes maisons de production étrangères découvrent (ou redécouvrent) la Belgique et envisagent de plus en plus de coproductions avec des partenaires belges. Il faut en effet savoir que :

  1. la Belgique dispose d’excellents techniciens (sons, lumières, effets spéciaux etc.) formés par de non moins excellentes écoles et, pour les films d’animation, de dessinateurs de tout premier ordre, généralement issus du milieu de la bande dessinée ;

  2. les coûts de production et, surtout, de postproduction (adaptation en langue étrangère, sous-titrage etc. ) en Belgique sont environ 30% moins élevés qu’en France ou en Grande-Bretagne;

  3. l’impôt belge sur le cachet payé à l’acteur étranger pour un tournage effectué en Belgique se limite au précompte professionnel de 18% et, en vertu des conventions préventives de la double imposition, ce revenu est exempté dans le pays de résidence de l’acteur; or, le cachet de l’acteur principal représente parfois un pourcentage très important des dépenses de production d’un film de fiction;

Enfin, l’introduction du « tax shelter » a aussi eu pour effet, depuis bientôt deux ans, de « professionnaliser » considérablement le secteur, ce qui était de toute façon indispensable à son développement futur.

2004 sera-t-elle l’année du cinéma belge ? Oui, assurément.

Droit & Technologies

Publié dans

Thèmes

Soyez le premier au courant !

Inscrivez-vous à notre lettre d’informations

close

En poursuivant votre navigation sur notre site, vous acceptez l’utilisation de cookies afin de nous permettre d’améliorer votre expérience utilisateur. En savoir plus

OK