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Pour ou contre la dépénalisation de la diffamation ?

Publié le par - 1728 vues

Dans le cadre d’une affaire de diffamation somme toute assez classique, l’arrestation musclée de Vittorio de Filippis, ancien directeur de publication du journal Libération, a suscité un émoi bien compréhensible. Les prises de position sont nombreuses, notamment celle de M. Sarkozy, en faveur de la dépénalisation de la diffamation. Pourtant, plusieurs observateurs estiment aussi que la procédure pénale est une mesure protectrice de la presse. Le point sur la question.

Des mesures comme le port des menottes ou encore la fouille à corps pour un simple délit de presse sont disproportionnées. Depuis lors, on assiste à une recrudescence des prises de position, notamment celle de Nicolas Sarkozy, en faveur de la dépénalisation de la diffamation… 

Il existe pourtant un décalage assez surprenant avec les prises de position dans les revues juridiques spécialisées.  Dans ces dernières, on présente la procédure pénale comme protectrice de la presse.

Mais on ne parle pas ici de la même « procédure pénale »… Vittorio de Filippis est « victime » de la procédure pénale de droit commun : En cas de mandat d'amener, la police va rechercher l'individu visé et, comme son nom l'indique, l'amener devant le juge d'instruction. L'interpellé peut même y être contraint par la force. Le choix des menottes et de la fouille à corps est laissé à la responsabilité de la police judiciaire lors de l'interpellation.

Par contre, la doctrine juridique consacre ses développements aux règles de procédure qui figurent dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Cette loi multiplie les difficultés procédurales pour la victime d'une diffamation. Cependant, les exemples techniques cités ci-dessous sont naturellement beaucoup moins évocateurs que des menottes et une fouille à corps…

Voici trois exemples récents concernant la prescription de l'action en diffamation (1), le contenu du réquisitoire du ministère public (2), les articles de la loi du 29 juillet 1881 visés dans la plainte pénale (3). A chaque fois, le responsable des propos litigieux obtient gain de cause uniquement pour des raisons de procédure…

 

  • Concernant la prescription de  l'action répressive, il a été jugé que les conclusions des parties civiles ne constituent pas une manifestation non équivoque d'interrompre la prescription prévue à l'article 65 de la loi de 1881… Cette prescription étant de 3 mois à compter de la publication litigieuse, les poursuites « tardives » sont vouées à l'échec. En l'espèce, en cas d'inaction du ministère public, il appartenait aux parties de faire citer elles-mêmes le prévenu avant l'expiration du délai de prescription et non simplement de conclure (Cass. crim., 17 juin 2008, n°07-86330). Pour mémoire, et contrairement au droit commun de la prescription, un nouveau délai de trois mois recommençant à courir après les réquisitions du ministère public, ou après la plainte avec constitution de partie civile, ou après la citation directe, la prescription doit ensuite être interrompue régulièrement tous les 3 mois.

 

  • Au sujet de la recevabilité de l'acte de poursuite, l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 impose au ministère public dans son réquisitoire de mentionner exactement les propos qui sont diffamatoires. Si tel n'est pas le cas, la procédure est nulle (Cass. crim. 17 juin 2008, n° 07-87920).

 

  • Le fait de viser cumulativement dans une seule plainte les articles 31 (diffamation à l'encontre de représentants de l'autorité publique) et 32 (diffamation envers les particuliers) de la loi de 1881 conduit aussi à la nullité sur le fondement des articles 50 (réquisition du procureur) et 53 (citation)  de la loi de 1881. (Cass. crim. 17 juin 2008, n°07-88283).

La dépénalisation de la diffamation doit donc être regardée avec circonspection par tous ceux qui éditent et diffusent publiquement des contenus, par exemple sur internet.

Sous couvert d'une libéralisation du système, ils risquent d'être confrontés à un régime civil paradoxalement plus répressif. La protection de la liberté de la presse qui repose essentiellement sur des règles de procédure se trouverait amoindrie.

Cette évolution souhaitée au plus haut niveau de l'Etat est, par contre, à l'avantage des victimes de diffamation. Leurs actions judiciaires seront plus souvent couronnées de succès. L'époque étant à la démocratisation massive de moyens de publication notamment sur Internet, une réglementation moins « kafkaïenne » du droit de la presse est sans doute souhaitable.

D'une façon générale, les procès pénal et civil en matière de presse répondent à un modèle original par rapport aux procédures classiques de droit commun. Si le volet pénal de la diffamation devait être abandonné, il est sans doute préférable que les protections issues de la loi de 1881 ne suivent pas le même sort…

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