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Le Luxembourg invente le droit minier extraterrestre … et ce n’est pas une blague

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Le Luxembourg, minuscule État européen, veut concurrencer les Etats-Unis et son Commercial Space Competitiveness Act : il est le premier État européen à se doter d’un code minier spatial. Objectif : attirer les entreprises actives dans l’extraction minière spatiale, grâce à un cadre juridique et fiscal attrayant.

Il paraît qu’un ambassadeur en fin de mandat au Grand-Duché aurait déclaré que quand on fait pipi dans la nature au Luxembourg, il faut faire attention de ne pas provoquer un conflit diplomatique en urinant dans le pays d’à côté, tellement le territoire est petit.

Peut-être est-ce une légende urbaine. Toujours est-il que les décennies passées ont prouvé qu’au Luxembourg, on fait la démonstration qu’un État minuscule, sans la moindre ressource naturelle, sans accès à la mer, sans histoire mondiale prestigieuse, sans climat ensoleillé, avec une langue nationale (le Luxembourgeois) qui n’est même pas une langue officielle de l’Union européenne … peut tenir la dragée haute aux plus grands, avoir des finances publiques équilibrées, un système de santé impeccable, des impôts très bas, un niveau de bonheur élevé et attirer une foule d’entreprises.

Dernière trouvaille luxembourgeoise : encadrer juridiquement l’exploitation minière extraterrestre.

Objectif : attirer au Grand-Duché les entreprises qui investissent sur ce créneau.

Extraction minière ?

Les nouvelles technologies reposent très largement sur les propriétés chimiques et physiques des matériaux.

Augmenter de 1% la conductivité d’un matériau ; réduire de quelques microns la dilatation d’un autre ; diminuer l’émission de chaleur provoquée par le courant électrique … Voilà quelques-uns des défis que l’industrie des nouvelles technologies doit tenter de résoudre quotidiennement.

Pour le consommateur, ces exploits chimico-physiques sont concrets : une heure de plus pour la batterie, moins de chaleur en téléphonant, un GPS plus précis, moins d’ondes, un ordinateur plus rapide, etc.

Pour les spécialistes, les objets naturels flottant dans l’espace autour de la terre (astéroïdes, planètes, comètes, etc.) ont la spécificité d’être chargés en matières premières rares et précieuses … et pourquoi pas en matière inconnue jusqu’ici.

Dès que la NASA a réussi à envoyer un homme sur la lune, elle en a aussitôt profité pour extraire du satellite terrestre des matériaux pour analyse. Les scientifiques étaient aussi excités par l’idée d’envoyer un homme sur la lune que d’en rapporter des matériaux.

L’extraction minière est l’étape suivante : extraire des matériaux pour les exploiter.

Cette exploitation peut se faire en vue de rapatrier les matériaux sur terre et les y utiliser.

Elle peut aussi avoir pour but d’utiliser ces matériaux dans l’espace lui-même, par exemple pour alimenter en énergie une station spatiale.

Des enjeux économiques majeurs

Bien entendu, il y a des enjeux écologiques et environnementaux majeurs. Le débat est proche de celui qui entoure l’exploitation minière et halieutique du cercle polaire. Tout le monde sait que c’est une catastrophe écologique, mais tous les Etats se battent pour y être.

Les États-Unis ont décidé, il y a quelques mois, d’adopter une loi en vue de stimuler la recherche et l’extraction minière extraterrestre. L’approche est éminemment commerciale :

“The Commercial Space Competitiveness Act (« Act ») is a federal legislation that regulates commercial activities of the private sector which have substantially contributed to the strength of both the U.S. space program and the national economy.” (http://definitions.uslegal.com/c/commercial-space-competitiveness-act%20/)

Le Grand-Duché de Luxembourg a décidé de suivre la même voie et d’être le premier État européen à encadrer juridiquement l’exploitation et l’extraction minière privée extraterrestre :

« Les principales mesures adoptées dans le cadre de l’initiative spaceresources.lu comprendront entre autres l’élaboration d’un cadre juridique et réglementaire dédié, fournissant une sécurité juridique quant à la propriété des minéraux et d’autres ressources de valeur dans l’espace, identifiés sur des objets géocroiseurs comme les astéroïdes.

Le Luxembourg est le premier pays européen à annoncer la mise en place d’un cadre juridique qui donne aux opérateurs privés des assurances quant à leurs droits sur les ressources qu’ils extraient dans l’espace, par exemple des minéraux rares issus d’astéroïdes. La création d’un tel cadre légal se fera dans le strict respect des obligations internationales. Selon une approche multilatérale, le Grand-Duché se réjouit de collaborer avec d’autres pays en la matière.

Le Luxembourg est disposé à investir dans des projets R & D prometteurs et à entrer au capital d’entreprises actives dans l’utilisation de ressources spatiales.

L’initiative SpaceResources.lu donnera naissance à une industrie du « new space »,  permettant l’accès à des ressources minérales, surtout pour une utilisation en orbite terrestre et au-delà. L’objectif est de stimuler la croissance économique sur Terre et d’offrir de nouveaux horizons à l’exploration spatiale. » (http://www.luxembourg.public.lu/fr/actualites/2016/02/03-space/index.html)

Pourquoi le Luxembourg se lance-t-il dans l’aventure ?

Pour répondre à cette question, il faut s’en poser une autre : quelles sont les entreprises susceptibles d’être intéressées par ce nouveau créneau ?

En général, ce seront des entreprises avec des moyens colossaux. En tout cas pour l’instant. Peut-être l’extraction minière spatiale sera-t-elle banalisée dans l’avenir, mais pour l’instant elle est réservée à ceux qui en ont les moyens. Exemple : Osiris, mission financée par la NASA, a pour but d’envoyer en 2016 une sonde chargée de récolter quelques grammes sur un astéroïde relativement proche, en vue de les rapatrier sur terre d’ici 2023. Coût de l’opération : 1 milliard … (https://en.wikipedia.org/wiki/OSIRIS-REx).

C’est là que l’on commence à comprendre la démarche luxembourgeoise. En effet, le Grand-Duché a toujours été le champion pour attirer des multinationales grâce à des packages juridiques et fiscaux intéressants. Il l’a fait avec le secteur financier notamment.

Cette spécialité luxembourgeoise a du reste eu le don d’énerver un certain nombre de gouvernements européens qui l’accusent de fausser les règles du jeu. Au demeurant, le président actuel de la commission européenne n’est autre que l’ancien premier ministre luxembourgeois, et la presse a déterré quelques casseroles à ce sujet, le Grand-Duché ayant apparemment su trouver les arguments financiers pour convaincre un certain nombre de multinationales de s’installer là-bas et d’y rester.

Bien sûr la démarche peut irriter dans l’optique d’une Union européenne resserrée et harmonisée.

Toutefois, on oublie parfois que la concurrence fiscale ne doit pas être vue que sous le prisme déformant des abus qui peuvent en découler. Cette concurrence, comme toute forme de concurrence, a tendance à tirer le prix vers le bas et la qualité vers le haut. Appliqué à la fiscalité, cela signifie que les Etats mis en concurrence sont forcés d’offrir le meilleur service possible à leurs citoyens et entreprises, au prix (l’impôt) le plus bas possible. Si France Telecom n’avait pas été mis en concurrence dans les années 90, on paierait notre abonnement téléphonique trois fois plus cher aujourd’hui. Il en va de même en matière fiscale. Si toute concurrence disparaît entre les Etats dans une Union européenne qui n’est pourtant pas harmonisée totalement, ceux-ci n’auront plus aucun incitant à bien gérer l’impôt. Le service que les citoyens et les entreprises recevront en échange de l’impôt risque alors de coûter, proportionnellement, plus cher.

En définitive, il faut saluer le courage luxembourgeois et regretter une fois de plus que l’initiative émane d’un pays en particulier, et non de l’Union européenne elle-même. Aborder les choses au niveau européen était également la meilleure manière de peser plus lourdement dans le débat international qui ne manquera pas de surgir, au sujet des conséquences environnementales et écologiques de cette nouvelle forme d’exploitation minière.

Droit & Technologies

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