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Pendant que l’affaire Snowden décroche le prix Pulitzer, en France on attaque les médias

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Autres lieux, autres moeurs. Aux Etats-unis, les journaux qui ont permis l’affaire Snowden décrochent le prestigieux prix Pulitzer. Par comparaison, en France, la machine judiciaire se met au garde à vous chaque fois que les médias osent s’intéresser de trop près aux frasques des hauts responsables de l’Etat.

Le prix Pulitzer pour l’affaire Snowden

L’info est confirmée : les deux quotidiens principaux qui ont publié les révélations d’Edward Snowden sur les dérives de la NSA ont décroché le prix Pulitzer ! Il s’agit ni plus ni moins du prix le plus prestigieux en matière de journalisme. Fait révélateur, ils l’ont obtenu dans la catégorie « service public ».

Le jury a donc récompensé les organes de presse pour souligner le service public qu’ils ont rendu dans le cadre de la dénonciation des abus commis par les services secrets américains.

Même si on s’en souvient moins aujourd’hui, l’affaire Snowden a en effet pris l’ampleur qu’elle a connue en grande partie grâce au soutien de certains journaux-partenaires qui ont joué un rôle de filtre en pré-digérant l’énorme quantité d’informations fournies en vrac par le célèbre dénonciateur, mais aussi en assurant un soutien sans faille à celui qui était désigné par le président américain en personne comme un traître à la patrie.

Que l’on nous permette donc de résumer la situation : le prix journalistique le plus prestigieux au monde récompense des journaux qui ont publié des articles :

  • fondés sur des documents volés,
  • mettant en cause la sécurité nationale de la première puissance militaire, politique et économique du monde,
  • transmis par un homme ayant violé son contrat de travail et que le président américain a désigné comme ennemi public et traître à la patrie.

Il en a fallu du courage au jury du Pulitzer pour oser défier ainsi l’exécutif américain et le système judiciaire américain qui fait figurer Monsieur Snowden parmi les personnes les plus activement recherchées dans le monde. Il s’agit de toute évidence d’un acte politique. Et en attribuant le prix dans la catégorie « service public », le jury a incontestablement voulu alourdir encore son message.

Il n’est pas question ici d’approuver ou désapprouver le choix du jury, mais uniquement de souligner le courage de la décision et ses implications politiques, pour mieux faire le parallèle avec ce qui se passe en France.

De l’affaire Gayet …

Coïncidence du calendrier, on apprend en effet qu’après une procédure civile, le journal Closer répondra devant un juge pénal de l’atteinte alléguée à la vie privée de la maîtresse alléguée du président allégué. (Nous nous excusons pour la répétition du mot ‘allégué’ mais il s’agit d’une mesure de protection élémentaire contre d’éventuelles poursuites puisque c’est à la mode).

Il n’y a bien sûr aucun lien entre la rapidité avec laquelle la justice s’occupe de ce dossier et le fait qu’un des protagonistes soit président de la république. Et selon la plaignante, il ne faut pas non plus tenir compte du fait que pour faire l’amour il faut être (au moins) deux et qu’en l’occurrence son partenaire a déposé sur la table de chevet les codes nucléaires avant de s’oublier quelques instants.

… à l’affaire Sarkozy

Toujours par une coïncidence du calendrier, c’est également récemment qu’un ancien président de la république a pu obtenir aux dépens du journal en ligne Atlantico le retrait pur et simple des enregistrements réalisés à son insu par son plus proche conseiller lorsqu’il était président de la république.

Merveilleuse affaire que celle-là ! On pourrait par exemple débattre de la question de savoir s’il est normal que ce type d’enregistrement puisse avoir lieu au sein du cercle le plus restreint du pouvoir suprême de la république. Car après tout, le citoyen n’est-il pas en droit de s’interroger : si les mesures de sécurité sont infoutues d’empêcher une intrusion comme celle-là, comment gère-t-on la sécurité de l’Etat ?

Une affaire de rêve pour un avocat, et pour un juge. Tous les deux tiennent-là une occasion rêvée de mettre en balance des principes parmi les plus fondamentaux de notre démocratie. Au lieu de cela, on a droit à un des attendus les plus brefs de l’histoire judiciaire : « S’il est certain que la révélation, selon laquelle les conversations privées d’un Président de la République en fonction font l’objet d’enregistrements effectués à son insu par un de ses proches conseillers, est concevable, il n’est pas établi que le contenu de ces propos, tenus librement et ayant manifestement un caractère confidentiel, présente un intérêt tel, qu’il soit légitime de les diffuser en leur intégralité par souci d’information du public, étant observé qu’au jour de la date de la publication, M. B. ne contestait plus l’existence des enregistrements, comme cela résulte d’un article publié sur le site Atlantico.fr à la date du 5 mars 2014 sous le titre “Sarkoleaks : les trois trahisons de Patrick de B. (4ème extrait)”.

Depuis quand les journaux doivent-ils cesser d’exercer leur rôle de contre-pouvoir dès que l’information est confidentielle ?

‘Privé’ et ‘confidentiel’ sont-ils devenus synonymes ? Ne peut-on avoir un mot d’explication sur le caractère ‘privé’ des conversations ?

Depuis quand le juge est-il le correcteur d’un article de presse ? Son contrôle n’est-il plus marginal comme on l’enseigne traditionnellement ?

Depuis quand le fait qu’une erreur soit reconnue au plus haut niveau de l’État, empêche-t-il la presse d’en parler ?

Les extraits eux-mêmes ne sont-ils pas utiles pour répondre à l’importante question consistant à savoir pour qui roulait l’indiscret conseiller ?

Il y a un an, c’est la même justice qui ordonnait également à la requête de l’ancien président de la république, le retrait des enregistrements dans ce qui est connu comme l’affaire Bettencourt. Là aussi, on a eu droit à une décision expéditive, motivée pauvrement eu égard aux enjeux colossaux en termes de démocratie.

La France a-t-elle mal à ses médias ?

Lorsqu’un président de la république se fait insulter en rue, il s’élève lorsqu’il tolère cet écart et s’abaisse s’il utilise les services de l’État pour mettre en branle une action pénale pour insulte au chef de l’État. Lorsque l’amante d’un président de la république voit sa liaison révélée au public, elle s’abaisse en feignant de croire que cette affaire doit être traitée comme celle de n’importe quel quidam. Lorsque la justice muselle la presse qui révèle des dysfonctionnements de sécurité au plus haut niveau de l’État, elle s’abaisse en se montrant clémente envers le pouvoir.

Certes, on a longtemps glosé sur les tabloïds anglo-saxons ne connaissant aucune limite. Mais est-ce une solution d’imposer trop de limites aux médias français ?

Certes aussi, on s’est longtemps réjoui de cette exception française qui voyait la vie privée des présidents préservée. Mais ne devrait-on pas réfléchir à la question de savoir si cette exception est encore justifiée lorsque ces mêmes présidents font aussi largement reposer leur popularité sur la sacro-sainte « communication » ?

Décidément, New-York et Paris n’ont jamais été aussi éloignés qu’aujourd’hui.

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