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Comment exercer un droit de réponse sur l’internet ?

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Les faits sont devenus classiques : un site web diffuse des informations concernant une personne physique ou une société. Ces informations ne sont pas du goût de celles-ci et elles souhaitent y répondre. Quelles sont les règles juridiques qui encadrent cette situation ? Que peut exiger une personne qui souhaite répondre à une information diffusée…

Les faits sont devenus classiques : un site web diffuse des informations concernant une personne physique ou une société. Ces informations ne sont pas du goût de celles-ci et elles souhaitent y répondre. Quelles sont les règles juridiques qui encadrent cette situation ? Que peut exiger une personne qui souhaite répondre à une information diffusée sur l’internet ? Avant 2004, l’exercice de ce droit entraînait de multiples interrogations.

Se posait notamment la question de la qualification de ce nouveau service de communication. S’agit-il d’un service de communication audiovisuel soumis au droit de réponse de l’article 6 de loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ? Faut-il viser l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (ci-après la loi du 29 juillet 1881) en assimilant site internet et presse écrite ?

Depuis 2004, l’article 6 IV de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique fixe le cadre juridique du droit de réponse spécifique sur l’internet (ci-après art. 6 IV LCEN).

L’exercice de ce droit n’est pas sans difficulté ; en particulier, les différents délais à prendre en compte sont très brefs. Son application nécessite non seulement de la rapidité mais une bonne compréhension de règles souvent subtiles. D’ailleurs, ce texte fait directement référence à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881.

Une question préalable doit aussi être réglée. Le décret d’application de l’article 6 IV LCEN n’étant pas encore publié, peut-on dès aujourd’hui se prévaloir de ce nouveau régime (I) ? Cette première question examinée, nous verrons les conditions (II), le régime (III), puis les sanctions pénales de ce droit de réponse (IV).

L’EFFET DE L’ABSENCE DE DÉCRET D’APPLICATION


En principe, l’absence de décret ne peut empêcher l’application d’une loi, même en matière pénale. Il n’est pas besoin d’attendre la publication d’un décret et la loi est applicable dès son entrée en vigueur (art. 1er Code civil). Le principe de la légalité criminelle ne peut servir à remettre en cause cette solution (art. 111-3 Code pénal).

Par exception, une loi peut subordonner expressément son entrée en vigueur à la publication d’un décret, mais ce n’est pas le cas pour l’article 6 IV LCEN.

La loi peut aussi être écartée dès lors qu’elle est trop floue pour entrer en vigueur. Il est alors nécessaire de connaître le décret et l’on estime que la loi « ne se suffit pas à elle-même ».

Cependant, dans notre cas, l’article 6 IV de la LCEN apparaît comme suffisamment précis. Il fixe le régime, les délais puis les sanctions à appliquer. Même si plusieurs points peuvent faire l’objet d’un débat, il est très peu probable qu’un juge refuse d’appliquer l’article 6 IV LCEN au motif qu’il ne se suffit pas à lui-même.

CONDITIONS POUR EXERCICE DU DROIT DE RÉPONSE


L’article 6.IV de la LCEN dispose que le droit de réponse appartient à « toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne ».

Tout comme l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, l’article 6 IV bénéficie aux personnes physiques comme aux personnes morales. Pour ces dernières, l’organe qui souhaite s’exprimer en réponse doit évidement être doté de la personnalité morale. Plus fondamentalement, il est nécessaire d’avoir été mis personnellement en cause. Inutile de tenter d’exercer ce droit au profit d’un tiers, sauf le cas particulier où le tiers a donné mandat pour sa défense. De même, exercer un droit de réponse dans l’intérêt général n’entre pas dans les prévisions de cet article.

Soulignons une règle simple : en principe, il n’est pas besoin de faire la démonstration d’un préjudice, d’un contenu malveillant ou injurieux. La loi reconnaît un véritable droit d’expression plutôt qu’un droit de se défendre.

LE REGIME DU DROIT DE RÉPONSE


Le demandeur doit simplement faire état de sa volonté d’exercer son droit de réponse. Il est maître de la teneur de sa réponse. De même, il n’a pas à renoncer aux demandes de correction ou de suppression du message qu’il peut adresser au site web. Bien évidement ce droit est gratuit.

Il faut agir vite ! Le délai pour exercer un droit de réponse est de 3 mois. Le point de départ de ce délai est la mise à disposition du public du message justifiant la demande. C’est le seul instant de la mise en ligne qu’il faut prendre en considération. Ainsi au 1er mars 2006, seuls les messages mis en ligne trois mois plus tôt sont susceptibles de faire l’objet d’un droit de réponse. Il ne sera pas toujours évident de connaître avec précision cette date sur l’internet.

Quel type d’écrit doit-on faire parvenir au service de communication ? La loi ne donne pas d’indication. Il est préférable d’utiliser un courrier recommandé avec accusé de réception. En effet, la question de la preuve du respect du délai sera réglée de cette manière.

Dès réception de la réponse, le directeur de la publication a trois jours pour l’insérer dans son service de communication (article 6 IV de la LCEN al. 3). La difficulté pratique est d’identifier le responsable du service de communication et son adresse postale.

De nombreux sites ne respectent pas les différentes mentions légales à mettre à disposition du public (article 6 III LCEN, voir aussi l’article 92-2 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle). Lorsque le site est diffusé par un éditeur non professionnel et que ce dernier a choisi de garder l’anonymat, c’est à l’hébergeur du site que doit être envoyée la demande. L’hébergeur doit alors transmettre la demande au directeur de la publication.

Reste que l’absence de désignation d’un directeur de publication n’empêche pas les poursuites. Au sujet de la presse écrite, il a été jugé que l’absence de désignation d’un directeur de la publication ou la désignation inexacte de celui-ci ne peut tenir les poursuites en échec (Cass. Crim., 23 juin 1949, Bull. crim., n°221 ; E. Dreyer, Droit de l’information, LITEC 2002, p.154). Il appartient aux magistrats de rechercher qui assume réellement cette fonction. Ce principe devrait être étendu sans problème à l’internet.

Comment cette insertion doit-elle se faire ? L’article 6 IV renvoie sur ce point à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881. Ainsi, l’insertion de la réponse doit être faite à la même place et dans les mêmes caractères que le message critiqué. De plus, la réponse doit également être diffusée de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle du message initial. La traduction concrète de ces principes pour un site internet pourrait soulever certaines difficultés. C’est aussi sur ce point que le décret d’application est attendu.


LE DELIT DE NON-INSERTION DU DROIT DE REPONSE


Le principe est simple : la non-insertion d’un droit de réponse est une infraction pénale. Toutefois par analogie avec le droit de réponse de la presse écrite, il convient de prendre en compte certains motifs légitimes de refus.


LES MOTIFS LÉGITIMES DE REFUS D’INSERTION


Les principes relatifs aux motifs légitimes de refus sont inspirés de la jurisprudence traditionnelle en matière de droit de réponse. L’application de ces principes à l’internet est très probable. Le premier motif légitime de refus, lié au moment de la réponse, ne souffre aucune discussion. La demande de réponse doit intervenir dans un délai de 3 mois à compter de la mise en ligne. D’où l’importance pratique de pouvoir connaître et prouver la date de mise en ligne d’un contenu. Le second motif de forme est le respect du « principe d’équivalence ». La réponse doit avoir les mêmes caractéristiques, le même calibrage quantitatif que les propos initiaux.

Plusieurs autres motifs légitimes de refus sont liés au sens même de la réponse. La réponse demandée ne doit pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Ainsi, une demande de réponse raciste doit évidement être écartée. La réponse ne doit pas mettre en cause abusivement l’auteur du texte ou un tiers. De même, la teneur de la réponse doit être proportionnée au texte initial. Et enfin, la réponse doit porter sur le même sujet que le texte initial. L’ensemble de ces critères peut se révéler très subjectif et l’on conseillera la plus grande prudence lorsqu’un responsable de services souhaite refuser l’exercice de ce droit.


CONSÉQUENCE DE L’ABSENCE DE REFUS LÉGITIME


Le refus d’insertion est constitutif d’un délit pénal passible d’une amende de 3750 € sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels le message pourrait donner lieu. Il ne faut pas couper le texte de la demande de réponse. En effet, la jurisprudence relative à la presse écrite assimile la publication partielle, tronquée, ou hors délai à une absence de réponse. La même solution sera sans doute retenue pour l’internet.

Les poursuites seront exercées devant le juge pénal. C’est le juge naturel de ce type d’action. Cependant, à l’instar de ce qui a été jugé au sujet de la presse écrite, le juge civil, en référé, peut être investi du pouvoir d’ordonner l’insertion d’une réponse sous astreinte en raison d’un trouble manifestement illicite que constitue le refus. C’est une option à prendre en compte lors du choix de la procédure.

Enfin, cette action est enfermée dans un délai très court. Concernant la question de la prescription, l’article 6 V de la LCEN renvoie à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881. Ainsi, le délit relatif à la non-insertion de la réponse se prescrit par trois mois révolus à compter du jour où la réponse aurait du être insérée. Pour la presse écrite, les juges déterminent dans quel numéro aurait dû paraître la réponse et calculent le délai de 3 mois à partir de cette date. Ce principe devra être appliqué à l’internet.


Un délai de 3 jours après réception de la demande est autorisé pour diffuser le droit de réponse. A la fin de ces 3 jours, débute le second délai de 3 mois relatif à la prescription du délit de non-insertion de la réponse.

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