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Chronique : droit de la presse sur internet

Publié le par - 2984 vues

Si les juges se montrent exigeants quant à la preuve de la diffusion de contenus diffamatoires (I), ils se montrent assez tolérants vis-à-vis des auteurs quant aux propos échangés sur les forums de discussion (II). Pour faire face à l’usage massif d’internet, plusieurs modifications de la loi de 1881 sur la liberté de la presse sont envisagées actuellement (III).

 

I. Des juges rigoureux en matière de preuve :

Le constat d’huissier est un préalable nécessaire à toute procédure. Au pénal, par application de l’article 427 du Code de procédure pénal, les juges n’attribuent aucune valeur à la seule production d’une copie d’écran, comme le démontre encore une fois un arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion du 10 avril 2008 concernant une diffamation sur internet.

Pour la Cour, « s’agissant d’un procédé de communication électronique sur le réseau internet, la seule production de l’impression sur papier des pages éditées sur le blog, dont la teneur est par définition éphémère et changeante, ne suffit pas à établir avec certitude la matérialité authentique des écrits visibles sur le site, ni par suite la date certaine de leur parution. »

En l’absence de constat d’huissier, ce qui est naturellement conseillé, il faudrait au moins plusieurs autres indices sérieux et concordants pour convaincre le juge.

Le même raisonnement est valable dans une procédure civile. En théorie, pour prouver un fait, en l’espèce une diffusion sur internet, tout type de preuve est recevable. On dit alors que la preuve est « libre ». Mais la simple copie d’écran n’est pas un indice suffisant pour prouver la diffusion. En effet, l’article 1353 du Code civil laisse l’appréciation de la valeur probante des présomptions à la prudence des juges. Cet article recommande de ne retenir que les présomptions qui sont graves, précises et concordantes. La seule copie d’écran ne répond vraisemblablement pas à ces exigences.

II. Des juges tenant compte de la spécificité de l’internet

Les juges se montrent assez libéraux quant à la teneur des propos échangés sur internet et tout particulièrement sur les forums de discussion. Ils semblent avant tout tenir compte des spécificités de chaque média.

Ainsi un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 15 mai 2008 concernant des dénigrements sur des forums de discussion sur le marché boursier, relève que :

« que ce type d’instrument informatique est un lieu virtuel de libre expression se caractérisant par une très grande liberté de propos ; que dans les deux cas, le texte des messages incriminés, pour vifs, voir familiers, qu’ils soient, ne dépassent pas l’expression libre et critique habituelle de ce type de milieu ».

On peut en déduire qu’un message échangé sur un forum, même en accès libre, est regardé par les juges différemment d’un écrit dans un journal traditionnel.

Cette relative mansuétude des juges qui se combine aux difficultés procédurales pour mener une action judiciaire à bien pose problème. Il n’est plus certain qu’un équilibre entre liberté de la presse et protection des personnes soit assuré pour les innombrables contenus diffusés sur internet. C’est sans doute dans cette optique qu’il faut lire les projets de modification de la législation.

III. Des tentatives de modification substantielle de la procédure

Des propositions ont vu le jour cet été, soit pour dépénaliser la diffamation, soit pour augmenter le délai de prescription.

La Commission Guinchard sur la « répartition des contentieux » rendue publique le 30 juin dernier, a préconisé la dépénalisation de la diffamation au profit de la seule « voie civile ».

Un pôle civil « diffamation et injures » serait créé dans chaque TGI, à l’exception des diffamations présentant un caractère discriminant (raciste, sexiste…). Ainsi, seule la voie civile (référé, demande au fond de dommages et intérêts et autres mesures civiles) sera possible. La Commission préconise aussi la suppression de la compétence résiduelle du tribunal d’instance en la matière, par transfert au TGI (diffamation et injures non publiques).

La procédure pénale dans ce type de contentieux étant particulièrement complexe, le choix de la voie civile représente une simplification, notamment dans l’intérêt des victimes. Mais les détracteurs de cette proposition soutiennent que la défense de la liberté de la presse sera moins bien assurée. Une action au civil est considérée selon ces derniers comme plus facile qu’une action au pénal.

Par ailleurs, afin de mieux protéger les victimes de diffamation, deux propositions de loi datant de cet été, émanant d’une députée et de plusieurs sénateurs, veulent étendre le délai de prescription pour les délits de diffamation sur internet. Ce délai passerait de trois mois actuellement à un an à partir de la publication d’un contenu incriminé. Le débat sur le délai de prescription est donc relancé…

Lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), un amendement voté par le Sénat avait fixé le point de départ du délai de prescription à la cessation de la mise en ligne du message contesté. Dans sa décision du 10 juin 2004, le Conseil Constitutionnel a censuré cette disposition. Ce dernier a considéré que la différence de traitement que cette mesure instituait entre presse écrite et communication sur Internet était excessive au regard de l’objectif de lutte contre les délits de presse. Mais, selon les défenseurs de ces propositions de loi, le Conseil constitutionnel n’a pas écarté toute possibilité d’aménagement du délai de prescription pour les supports électroniques. Au contraire, il semble en avoir admis le principe dans son quatorzième considérant.

Affaires à suivre…

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