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La responsabilité des sites de ventes aux enchères en ligne.

Publié le par - 3179 vues

L’Internet est souvent connu pour être un phénomène galopant. De telle sorte que les sites semblables à eBay (créé en 1995) font déjà partie de l’histoire et sont déjà parfaitement entrés dans les mours consuméristes. Pourtant, autant leur succès est toujours au rendez-vous, autant les réponses aux questions juridiques qu’ils suscitent sont encore floues. Récemment quelques indications importantes ont été apportées par la jurisprudence.

La situation en Belgique


La législation belge est celle contenue dans la loi relative aux pratiques de commerce. Elle remonte à 1991, la préhistoire de l’Internet.

Selon la loi, sont seules autorisées les ventes (1°/) portant sur des produits usagés (« tout produit qui présente des signes apparents d’usage, sauf si les signes apparents d’usage sont le résultat exclusif d’un traitement de vieillissement artificiel »), (2°/) qui se déroulent dans des locaux spécialement réservés à cet effet et (3°/) qui sont réalisées par un officier ministériel (huissier ou notaire). Les deux premiers critères sont transposables. Le troisième est évidemment beaucoup plus délicat à adapter à l’univers numérique.

Est-ce à dire que les sites semblables à eBay ne peuvent légalement offrir leurs services en Belgique ? Non.
Une première partie de réponse est dans l’analyse précise de l’activité de ces sites.

Le cœur de l’activité consiste en deux services. Il s’agit de mettre en relation un vendeur (ayant préalablement défini ses conditions de vente) et un acheteur au mieux offrant. Après une durée prédéterminée, le site termine son intervention en envoyant au vendeur et à l’acheteur leurs coordonnées respectives. Ainsi, si pour des raisons qui leur appartiennent, ou le vendeur ou l’acheteur refusait de contracter, la vente n’aurait pas lieu. L’effectivité de la vente est sans importance pour le site qui n’est pas le mandant du vendeur et dont le mode de rémunération est indépendant de la vente. En résumé donc, le site ne procède pas à une vente (aux enchères) au sens de la loi de 1991.

La seconde partie de la réponse a été donnée par le Tribunal de commerce de Bruxelles le 31 juillet 2008 : eBay est à considérer comme un intermédiaire de l’Internet de type hébergeur au sens de l’article 20 de la LSSI (Loi portant sur les services de la société de l’information du 11 mars 2003).

Si la réponse du Tribunal est satisfaisante parce qu’elle clarifie les questions de qualification et de régime de responsabilité, elle inquiète l’industrie des marques. En effet, le régime de responsabilité des hébergeurs est particulièrement « confortable » pour eBay parce qu’il a comme corollaire le principe de non-surveillance à priori des contenus hébergés (article 21 LSSI). Autrement dit, eBay n’est pas tenu de vérifier si certains vendeurs proposent à la vente des produits contrefaits. Et donc, indirectement, le Tribunal vient donner un coup de pouce aux contrefacteurs.

Il faut de suite relativiser l’importance de la décision en signalant qu’elle est isolée et qu’il n’y a pas eu suffisamment d’affaires semblables en Belgique pour commencer à dégager des lignes jurisprudentielles précises.

Egalement, il ne faudrait pas considérer que cette décision libère eBay de toute obligation. Ainsi, les autres dispositions protectrices du consommateur de la loi de 1991 sont applicables lorsque le vendeur est un professionnel et l’acheteur un consommateur.

D’autre part, les sites doivent effectuer toutes les diligences normales pour que la vente puisse avoir lieu, tant sur le plan technique (c’est-à-dire permettre l’hébergement de l’annonce de vente et permettre d’enchérir) que sur le plan de l’information des parties : le site doit aviser le vendeur, à la fin du délai, s’il a trouvé ou non d’éventuels cocontractants intéressés par l’offre et l’informer de l’identité de ceux-ci.

Enfin, il ne faut pas oublier qu’une responsabilité de nature éditoriale est susceptible de peser sur l’opérateur du site, en ce qui concerne le contenu des pages du site, et donc des objets proposés par les vendeurs.

La situation en France

La loi française est plus récente (2000) et prend en compte (pour partie) l’environnement numérique. A l’inverse de la Belgique, la question de la qualification reçoit directement une réponse claire.

Selon l’article L321-2 du Code de commerce, il faut distinguer : «Le fait de proposer, en agissant comme mandataire du propriétaire, un bien aux enchères publiques à distance par voie électronique pour l’adjuger au mieux-disant des enchérisseurs constitue une vente aux enchères publiques et les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, se caractérisant par l’absence d’adjudication et d’intervention d’un tiers dans la conclusion de la vente d’un bien entre les parties, ne constituent pas une vente aux enchères publiques. »

Le courtage est un contrat par lequel un intermédiaire appelé courtier se charge, à titre professionnel de mettre en rapport deux ou plusieurs personnes en vue de leur permettre de conclure entre elles une opération juridique à laquelle il n’est pas lui-même partie. De part leur système de fonctionnement donc, les sites semblables à eBay doivent correspondre à la seconde catégorie envisagée par la loi. La jurisprudence récente le confirme.

Concernant le régime de responsabilité, la loi ne précise rien. Et la jurisprudence oscille encore.
La Cour d’appel de Paris et le TGI de Troyes (CA Paris, 09 novembre 2007 et TGI Troyes, 04 juin 2008) considèrent, comme en Belgique, que le courtier en ligne est un hébergeur et bénéficie du régime de responsabilité correspondant.

La seconde tendance est celle du Tribunal de commerce de Paris. Dans trois décisions rendues le 30 juin 2008, le Tribunal a refusé d’appliquer le régime des hébergeurs et a, poursuivant sa logique, décidé d’appliquer le droit commun de la responsabilité civile. Les amendes prononcées contre eBay sont très lourdes, de l’ordre de 30 millions d’euros.

La position de la Commission européenne est similaire. Dans une réponse à une question d’une députée européenne, la Commission a expliqué qu’il y a lieu de distinguer parmi les activités de sites tels que eBay : seule une partie correspond à l’activité d’hébergement et peut donc bénéficier du régime de responsabilité correspondant.

Conclusions

En Belgique comme en France les sites communément appelés « sites de ventes aux enchères » correspondent en réalité à ce que la loi française appelle « courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique ». Concernant leur régime de responsabilité, ni la Belgique ni la France n’ont actuellement une jurisprudence fixée.

Aux détenteurs de marques, il est donc conseillé de continuer à rester vigilant et d’alerter les responsables de sites dès qu’ils repèrent un produit contrefait proposé à la vente.

Aux internautes, il est toujours conseillé de ne pas tomber dans le piège d’un prix particulièrement bas et attractif.

Droit & Technologies

Annexes

L’article paru dans L’Echo au format PDF

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