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Arrêt Faurecia : vers un renforcement des clauses limitatives de responsabilité ?

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La chambre commerciale de la Cour de cassation vient de rendre le 29 juin 2010 une décision permettant de clôturer la saga judiciaire FAURECIA contre ORACLE. La validité des clauses de responsabilité dans les contrats informatiques est plus clairement définie.

L’équipementier automobile FAURECIA reprochait à la société ORACLE de ne pas avoir honoré les contrats conclus en 1997 : un logiciel provisoire a été livré à la place du logiciel V12, contrairement à ce qui était prévu. ORACLE lui opposait une clause limitative de sa responsabilité qui plafonnait l’indemnisation.

Un véritable feuilleton judiciaire.

Dans un premier arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 13 février 2007) les juges avaient estimé que le non-livraison du logiciel équivalait à « un manquement à une obligation essentielle de nature à faire échec à l’application de la clause limitative de réparation ». La Cour de cassation avait donc déjugé la Cour d’appel de Versailles, qui, elle, avait validé la clause. On aurait pu croire que la seconde Cour d’appel (CA Paris dans un arrêt du 26 novembre 2008) allait suivre la Cour de cassation. En fait, elle a fait preuve de résistance et la réponse a été plus nuancée. A partir du moment, où le montant de la limitation n’est pas dérisoire, la clause ne décharge pas par avance la société ORACLE du manquement à son obligation essentielle. Ce plafond dérisoire, selon la Cour d’appel de Paris, doit être évalué par rapport à l’équilibre général du contrat.

Une clause limitative de responsabilité…

Dans l’arrêt du 29 juin 2010, la chambre commerciale de la Cour de cassation choisit de valider l’approche de la Cour d’appel de Paris. En fait, les juges reprennent l’analyse assez pragmatique des juges d’appel qui essayaient de tenir compte de la négociation entre les deux entreprises. Le raisonnement tient en deux étapes :

… non assimilable à une faute lourde.

D’une part, la faute lourde n’est pas un manquement à une obligation essentielle. Seul, un manquement particulièrement grave constitue une faute lourde. Or dans l’affaire FAURECIA, le fait de n’avoir pas pu livrer dans les délais le logiciel V12 n’est pas une faute lourde.

…. Et non contraire à l’obligation principale.

D’autre part, et il s’agit bien là du principal apport de cet arrêt, le manquement à l’obligation essentielle ne suffit pas à écarter la clause limitative de responsabilité. « Seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ». Autrement dit, le contenu de la clause ne doit pas être contraire à l’objet même du contrat principal ! Dans cette affaire, bien qu’il existe un manquement à une obligation essentielle, le montant limité par la clause n’était pas dérisoire. Il n’était alors pas contraire à l’objet du contrat.

Cette décision marque donc la renaissance des clauses limitatives de responsabilité. En pratique, il faut bien faire attention à ce type de clauses dans la conclusion de contrats informatiques et les lire avec attention. En effet, à partir du moment où elle est insérée en tant que contrepartie à un tarif préférentiel et qu’elle reflète l’économie générale du contrat, elle est valable. Elle ne peut pas être écartée, même en cas de manquement à une obligation essentielle ! Encore faut-il que ce manquement ne soit pas particulièrement grave. On peut ainsi penser qu’en présence d’une manœuvre visant à tromper son client, la solution serait différente. Par exemple, dans la récente affaire IBM c/ MAIF (TGI Niort, 14 décembre 2009), une clause limitative n’aurait pas pu être valablement appliquée car IBM en gardant le silence sur le risque encouru en termes de dérapage de prix et du calendrier, se rend coupable d’une intention manifeste de tromper son co-contractant. Dans ce cas alors la clause limitative serait probablement écartée.

En pratique, ces clauses sont souvent survolées à la fin des négociations. Il faut donc bien veiller, à les discuter dès le début du cycle de négociation afin d’éviter de biens mauvaises surprises !

Plus d’infos ?

En lisant les extraits suivants de l’arrêt de la Cour :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2008), que la société Faurecia sièges d’automobiles (la société Faurecia), alors dénommée Bertrand Faure équipements, a souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ; qu’elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu’un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia et Oracle, tandis qu’un contrat de mise en oeuvre du “programme Oracle applications” a été signé courant juillet 1998 entre ces sociétés ; qu’en attendant, les sites ibériques de la société Faurecia ayant besoin d’un changement de logiciel pour passer l’an 2000, une solution provisoire a été installée ; qu’aux motifs que la solution provisoire connaissait de graves difficultés et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société Faurecia a cessé de régler les redevances ; qu’assignée en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société Oracle avait cédé ces redevances, la société Faurecia a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné cette dernière aux fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les parties ; que la cour d’appel a, par application d’une clause des conventions conclues entre les parties, limité la condamnation de la société Oracle envers la société Faurecia à la garantie de la condamnation de celle-ci envers la société Franfinance et rejeté les autres demandes de la société Faurecia ; que cet arrêt a été partiellement cassé de ce chef (chambre commerciale, financière et économique, 13 février 2007, pourvoi n° Z 05-17.407) ; que, statuant sur renvoi après cassation, la cour d’appel, faisant application de la clause limitative de réparation, a condamné la société Oracle à garantir la société Faurecia de sa condamnation à payer à la société Franfinance la somme de 203 312 euros avec intérêts au taux contractuel légal de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 2001 et capitalisation des intérêts échus dans les termes de l’article 1154 à compter du 1er mars 2002 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Faurecia fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1°/ que l’inexécution, par le débiteur, de l’obligation essentielle à laquelle il s’est contractuellement engagé emporte l’inapplication de la clause limitative d’indemnisation ; qu’en faisant application de la clause limitative de responsabilité après avoir jugé que la société Oracle avait manqué à l’obligation essentielle tenant à la livraison de la version V 12 en 1999, laquelle n’avait pas été livrée à la date convenue, ni plus tard et que la société Oracle ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 1131, 1134 et 1147 du code civil ;

2°/ qu’en jugeant que la clause limitative de responsabilité aurait été prétendument valable en ce qu’elle aurait été librement négociée et acceptée et qu’elle n’aurait pas été imposée à Faurecia, la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, violant ainsi les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ;

3°/ qu’en jugeant que la clause, qui fixait un plafond d’indemnisation égal au montant du prix payé par Faurecia au titre du contrat des licences n’était pas dérisoire et n’avait pas pour effet de décharger par avance la société Oracle du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, la cour d’appel a violé les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ;

Mais attendu que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que l’arrêt relève que si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, le montant de l’indemnisation négocié aux termes d’une clause stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait, n’était pas dérisoire, que la société Oracle a consenti un taux de remise de 49 %, que le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal représentant européen participant à un comité destiné à mener une étude globale afin de développer un produit Oracle pour le secteur automobile et bénéficiera d’un statut préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d’Oracle pour la version V 12 d’Oracles applications ; que la cour d’appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle de la société Oracle et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Faurecia fait encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, qu’après avoir constaté que la société Oracle n’avait pas livré la version V 12, en considération de laquelle la société Faurecia avait signé les contrats de licences, de support technique, de formation et de mise en oeuvre du programme Oracle applications, qu’elle avait ainsi manqué à une obligation essentielle et ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d’appel a jugé que n’était pas rapportée la preuve d’une faute d’une gravité telle qu’elle tiendrait en échec la clause limitative de réparation ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil ;

Mais attendu que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et quatrième moyens ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

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