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Les ventes aux enchères électroniques : quel cadre juridique ? (chronique « droit & multimédia » de L’Echo)

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Article paru dans L’Echo du 21 septembre 2000 . Le phénomène de la vente aux enchères sur l’internet trouve son origine aux Etats-unis avec le lancement du site « www.ebay.com» en 1995. Son essor est depuis lors fulgurant. Tout se trouve sur les sites de ventes aux enchères : des objets d’art bien sûr, mais…

Article paru dans L’Echo du 21 septembre 2000 .

Le phénomène de la vente aux enchères sur l’internet trouve son origine aux Etats-unis avec le lancement du site « www.ebay.com» en 1995. Son essor est depuis lors fulgurant.

Tout se trouve sur les sites de ventes aux enchères : des objets d’art bien sûr, mais aussi une infinité de biens d’occasion. Des trafics moins avouables ont également cours, comme l’atteste le scandale de la vente d’un rein humain en décembre 1999 sur le site de Ebay. Lorsque Ebay a suspendu l’enchère, le rein avait atteint la somme de 5,7 millions US$…

Dans la majorité des cas, le principe de fonctionnement est simple : les internautes intéressés par un produit exposé en vente sur le site ont la possibilité de faire une offre. A l’échéance du terme (quelques jours en général), l’internaute qui aura proposé l’offre la plus haute emportera le bien.

Cependant, la multiplication de ces services de vente aux enchères sur l’internet ne va pas sans poser des problèmes juridiques délicats.

La législation belge sur les enchères publiques est-elle applicable ?

La loi du 14 juillet 1991 sur la protection du consommateur et les pratiques du commerce contient une section 7 consacrée aux ventes publiques.

Sont visées par la loi les ventes publiques volontaires aux enchères, à l’exception des « opérations portant sur des objets d’art ou de collection – à l’exclusion des tapis et des bijoux – ou des antiquités, à condition qu’elles aient lieu dans des salles habituellement destinées à cet effet ».

Les ventes publiques aux enchères visées par la loi ne sont autorisées que lorsqu’elles portent sur des produits usagés, à savoir « tout produit qui présente des signes apparents d’usage, sauf si les signes apparents d’usage sont le résultat exclusif d’un traitement de vieillissement artificiel ».

Ces ventes ne peuvent avoir lieu que dans des locaux spécialement réservés à cet effet.

L’organisateur d’une vente publique est responsable du respect de ces dispositions légales.

En outre, les ventes publiques aux enchères ne peuvent avoir lieu que par l’intermédiaire d’un officier ministériel : notaire ou huissier. En vertu de l’article 516 du Code judiciaire, cette obligation est également valable en cas de vente publique d’objets d’art ou d’antiquités.

Si la condition relative au produit usagé ou d’occasion ne pose aucune problème sur le web, il n’en va pas de même en ce qui concerne l’ obligation légale relative à l’intervention d’un officier ministériel et ou celle relative à la tenue d’un local qui doit être exclusivement destiné à l’organisation de ventes publiques.

Ainsi, un officier ministériel devrait-il systématiquement procéder lui-même à l’opération de vente publique en ligne et ce même pour la vente d’un simple CD-Rom…

Quant au local exclusivement destiné aux ventes publiques, pourrait-il s’agir d’une « salle de vente virtuelle » ? Le président du tribunal de grande instance de Paris a répondu par l’affirmative dans une affaire qui opposait la Chambre nationale des commisseurs-priseurs à la société américaine NART Inc et à sa filiale francaise NART SAS.

Il était reproché à ces sociétés d’avoir organisé des enchères sur l’internet au mépris de la loi française qui réservait alors aux commissaires-priseurs le monopole des prisées des meubles et ventes aux enchères d’effets mobiliers qui ont lieu à Paris.

Dans une ordonnance du 3 mai 2000 ( disponible sur Legalis.net), le tribunal a interdit aux société défenderesses « de s’immiscer de quelque façon que ce soit dans les opérations de ventes aux enchères réalisées en France et qui relèvent du monopole des commissaires priseurs », au motif que « l’offre qui est faire à des internautes domiciliés en France (…) de participer à une vente aux enchères en ligne implique l’extension de la salle des ventes virtuelles au territoire français (…) », et que « le réseau internet constitue, pour les besoins de l’organisation et de la réalisation des ventes aux enchères, une vaste salle de ventes modulable et extensible à l’infini pour tenir compte des modifications de l’espace physique dans lequel sont diffusés les offres de vente aux enchères ».

Les « faux » sites de vente aux enchères

En réalité, pour pouvoir cerner correctement le cadre juridique des ventes aux enchères sur l’internet, il convient de dresser une typologie des sites qui recourent aux enchères. Il est possible classer ces sites en trois catégories : les sites répondant à la définition telle qu’elle est ci-dessus posée (sites de vente aux enchères au sens strict), les sociétés utilisant le web comme simple modalité technique pour vendre aux enchères des produits ou services leur appartenant (par exemple, le site d’enchères de Nouvelles Frontières), et enfin les sites qui mettent en relation un vendeur et un acheteur(par exemple www.ibazar.be).

Les sites de la dernière catégorie sont de loin les plus nombreux sur la Toile.

Même s’ils se présentent souvent comme tels, ces sites ne sont pas à proprement proprement des sites de ventes aux enchères, mais plutôt des journaux éléctroniques de petites annonces, avec utilisation d’un mécanisme d’enchères.

Les conditions précitées relatives à la validité des ventes aux enchères ne trouvent donc pas à s’appliquer. Toutefois, la vente intervenue via le site pourra le cas échéant être qualifiée de contrat à distance au sens de la loi du 14 juillet 1991 dès lors qu’elle mettrait en scène un vendeur professionnel et un acheteur consommateur.

Qualifiée juridiquement, l’opération tient du courtage, c’est-à-dire un contrat par lequel un intermédiaire appelé courtier se charge, à titre professionnel de mettre en rapport deux ou plusieurs personnes en vue de leur permettre de conclure entre elles une opération juridique à laquelle il n’est pas lui-même partie.

Afin d’éviter de devoir respecter les diverses conditions relatives aux ventes publiques, la tâche principale du site internet (le courtier) doit se limiter à la mise en contact de deux ou plusieurs personnes qui ont, au préalable, défini quelle était la finalité de leur rencontre, sans intervenir dans la conclusion du contrat entre parties.

Les obligations des sites de vente aux enchères

Même analysé sous le prisme de ce que l’on peut appeler une « opération de courtage aux enchères », diverses obligations pèsent sur l’opérateur du site qui offre un service d’enchères en ligne.

D’une part, il doit effectuer toutes les diligences normales pour que la vente puisse avoir lieu, tant sur le plan technique (c’est-à-dire permettre l’hébergement de l’annonce de vente et permettre d’enchérir) que sur le plan de l’information des parties : le site doit aviser le vendeur, à la fin du délai, s’il a trouvé ou non d’éventuels cocontractants intéressés par l’offre et l’informer de l’identité de ceux-ci. De nombreux sites remplissent cette obligation envers le donneur d’ordre par voie d’e-mail.

D’autre part, une responsabilité de nature éditoriale est susceptible de peser sur l’opérateur du site, en ce qui concerne le contenu des pages du site, et donc des objets proposés par les vendeurs.

A l’instar de la responsabilité des hébergeurs que nous avons déjà évoquée dans une précédente chronique (« Quelle responsabilité pour les fournisseurs d’hébergement ? », L’Echo, 15 juin 2000), la question de la responsabilité des fournisseurs de services d’enchères en ligne pose le problème de la connaissance qu’avait ce fournisseur du caractère illicite de l’offre. En effet, certains sites instaurent des procédures entièrement automatisées de mise en ligne des offres et reproductions des produits par les vendeurs, le site n’effectuant aucun contrôle de conformité ou de légalité.

Dans ce cas, les responsables du site pourraient-ils se retrancher derrière leur ignorance en cas de vente illégale, pour échapper à toute responsabilité ? Rien n’est moins sûr dans la mesure où les offres sont placées sur le site de vente aux enchères lui-même, et non sur un site qui serait exploité par un tiers, contrairement à la relation entre un hébergeur et un site hébergé (voir à ce sujet notre chronique « La directive européenne sur l’ecommerce : pour un marché commun des services de la société de l’information », L’Echo, 18 mai 2000, disponible sur Juriscom.net ).

L’affaire Yahoo ! illuste parfaitement cette problématique : le 22 mai 2000, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné à la société américaine Yahoo ! Inc., qui exploite le portail www.yahoo.com, de prendre « des mesures de nature à dissuader et à rendre impossible toute consultation du service de ventes aux enchères d’objets nazis et tout autre site ou service qui constitue une apologie du nazisme et une contestation des crimes nazis » (décision disponible sur Juriscom.net ).

En effet, le juge français a considéré que l’offre de tels objets sur le site de vente aux enchères de Yahoo ! constituait une infraction à l’article 645-2 du Code penal qui interdit l’apologie du nazisme.

Nous reviendrons dans une prochaine chronique sur cette affaire, qui pose le délicat problème de la compétence des tribunaux face à l’ubiquité du réseau.

La nouvelle loi française

En France, le législateur est intervenu en adoptant un texte sur les ventes aux enchères, notamment électroniques (loi du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, commentée sur ce site dans la rubrique « dossiers »).

La réforme législative visait initialement à se conformer aux règles communautaires en matière de liberté d’établissement et de libre prestations de services, qui s’opposaient au monopole des commissaires-priseurs pour les prisées et les ventes aux enchères de meubles, monopole consacré par les lois du 27 Ventôse de l’an IX (18 mars 1801) et du 28 avril 1816.

La Commission européenne avait en effet engagé en 1995 une procédure d’infraction à l’encontre de la France, suite à une plainte déposée en 1992 par la société britannique Sotheby’s confrontée au refus de la France de l’autoriser à procéder à une vente aux enchères publiques sur son territoire.

Désormais, ce monopole est supprimé et la réalisation des ventes aux enchères publiques se fera à l’intervention de « sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ».

Outre la suppression du monopole des commissaires-priseurs, les parlementaires français ont tenu à adapter le système existant aux ventes aux enchères sur l’internet.

La loi française entérine la distinction entre les enchères au sens strict et les opérations de courtage aux enchères, comme exposé plus haut.

Ainsi , l’article 3 de la loi dispose que « le fait de proposer, en agissant comme mandataire du propriétaire, un bien aux enchères publiques y compris à distance par voie électronique pour l’adjuger au mieux disant des enchérisseurs constitue une vente aux enchères publiques au sens de la présente loi. Les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, se caractérisant par l’absence d’adjudication et d’intervention d’un tiers dans la conclusion de la vente d’un bien entre les parties, ne constituent pas une vente aux enchères publiques. Sont également soumises aux dispositions de la présente loi, (…), les opérations de courtage aux enchères portant sur des biens culturels réalisées à distance par voie électronique ».

Et la Belgique ?

Le Roi pourrait prendre un arrêté royal en la matière puisque l’article 83, 6° de la loi du 14 juillet 1991 l’habilite à « prescrire des dispositions particulières pour les ventes publiques organisées au moyen d’une technique de communication à distance« .

Il n’est donc pas impossible que, dans la foulée de la future transposition de la directive sur le commerce électronique, le gouvernement décide de doter le pays d’une réglementation spécifique aux enchères à distance, en particulier par voie électronique. Il sera probablement intéressant à cette occasion de s’interroger sur le régime de responsabilité des organisateurs d’enchères en ligne, ce que le législateuur français a omis de faire.


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