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La loi Big Brother entre en vigueur en Belgique : quelles conséquences ?

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Cette loi peut être qualifiée de « Loi Anti Internet » car elle frappe de plein fouet entre autres la protection de la vie privée et la confidentialité des données numérisées transitant par Internet, et met ainsi en péril les fondements d’une société démocratique dans ses principes constitutionnels les plus fondamentaux. Elle ébranle de manière totalement inédite par exemples le respect du secret des sources des journalistes et celui du secret professionnel des avocats ainsi que le respect des libertés de pensée et de religion.

En Belgique, c’était durant l’été, que cette loi Big Brother relativement fort importante à bien des égards, a fait l’objet d’un très modeste écho médiatique et politique, pour cette loi votée, peut-être pas vraiment tout-à-fait par hasard, la veille des vacances parlementaires.

Il est en tout cas remarquable qu’une loi ainsi clairement qualifiée de « loi Big Brother » puisse en réalité être adoptée dans un tel climat d’indifférence aussi généralisée, alors qu’elle touche aux fondements même de la liberté d’expression, la présomption d’innocence, et ainsi que de la protection de la vie privée et de la confidentialité de plusieurs professions (médecins, journalistes, avocats, …).

Une telle indifférence a de quoi interpeller sérieusement sur le plan de la santé de notre société dite démocratique, à moins de refléter plutôt gravement à quel degré la démocratie en réalité ne règnerait-elle déjà plus entièrement en Belgique en 2013.

Nous avions déjà eu l’occasion au printemps 2013 dans un ouvrage collectif paru chez L’Harmatan, de souligner jusqu’à quel point la démocratie se livre à un véritable bras de fer avec la particratie en Belgique.

Comme le relevait George ORWELL dans « 1984 »[4], « L’hérétique, l’ennemi de la société, existera toujours pour être défait et humilié toujours. Tout ce que vous avez subi depuis que vous êtes entre nos mains, tout cela continuera, et en pire. L’espionnage, les trahisons, les arrêts, les tortures, les exécutions, les disparitions, ne cesseront jamais. Autant qu’un monde de triomphe, ce sera un monde de terreur. Plus le Parti sera puissant, moins il sera tolérant. Plus faible sera l’opposition, plus étroit sera le despotisme. ».

Plus précisément, la loi « Big Brother » en question, s’intitule : « Projet de Loi portant modification des articles 2, 126 et 145 de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques et de l’article 90decies du Code d’instruction criminelle. »

Cette loi a été votée à la Chambre et au Sénat respectivement les 17 et 18 juillet 2013, le Sénat ayant décidé de ne pas l’amender, seul Ecolo-Groen avaient proposé des amendements.

Pratiquement, cette loi sur la " détention de données " obligera les opérateurs télécom à conserver durant un an le détail des courriels (reçus et envoyés) et communications téléphoniques de leurs clients – à l’exception du contenu.

Sous couvert de lutte contre le terrorisme et la grande criminalité, prévoit de surveiller tous les habitants du royaume. Ettore Rizza relève que « Chez nous, la directive a suscité une levée de boucliers de la Ligue des droits de l’homme, qui y voit une atteinte inutile à la présomption d’innocence, mais aussi des organisations professionnelles de médecins, avocats et journalistes, arc-boutés sur leur sacro-saint secret professionnel. « Nous avons fait part de nos craintes au cabinet de la Justice, sans recevoir ne serait-ce qu’un accusé de réception », s’émeut Laurence Evrard, de l’Ordre des barreaux francophones et germanophones. »

Comme l’explique Le Vif, cette loi « Big Brother » part de la directive européenne 2006/24/CE, rédigée sur les décombres des attentats londoniens de 2005, qui visait à harmoniser la conservation de données télécom au sein des vingt-sept.

Il ne fait pas l’ombre d’un doute que cette loi comporte des atteintes majeures au secret professionnel des avocats (outre les médecins et les journalistes) et à la confidentialité de leurs relations avec leurs clients.

Plusieurs organisations professionnelles ou de défense des droits de l’homme envisagent de déposer un recours devant la Cour constitutionnelle.

Plus généralement cette loi « Big Brother » permet facilement de trouver un prétexte pouvant autoriser n’importe quelle espèce de « chasse aux sorcières », que ce soit dans le domaine de la liberté thérapeutique, de la liberté religieuse et de croyance, d’enseignement, ou de la liberté d’association, sans aucun respect des normes constitutionnelles applicables en la matière :

– L’art. 29 de la Constitution dispose que : « Le secret des lettres est inviolable. »

– L’art. 12 de la constitution belge dispose que : « La liberté individuelle est garantie. Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu’elle prescrit. »

Cette loi « Big Brother » est contraire à « la liberté de manifester ses opinions en toute matière » telle que visée à l’article 19 de la constitution belge, puisqu’elle visera des écarts par rapport à des conformités sociale et idéologiques et non des transgressions de dispositions pénales.

Cette loi « Big Brother », sans viser une transgression de norme(s) à part entière, équivaudra aussi à une violation de l’art. 27 de la constitution disposant que «Les Belges ont le droit de s’associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive. », dans son impact à titre préventif, voire « proactif ».

Pour l’ensemble des citoyens, et non seulement les professions tenues au respect du secret professionnel, chacun est visé en violation de son droit au respect de sa vie privée.

En effet, si nous comparons avec les services de LA POSTE, cela équivaut à la tenue d’une double liste d’une part de tous les expéditeurs de vos courriers reçus comme professionnel et/ou privé et d’autre part, un liste de tous les destinataires de vos courriers envoyés comme professionnel et/ou privé, avec dans les deux cas, le titre (l’objet, le sujet) de chacune de ces lettres, même si la Loi en question ne porte pas sur le contenu en tant que tel des courriers électroniques …

Ce n’est pas parce qu’il s’agit de courriers électroniques au lieu de courriers papiers, que les règles fondamentales permettant aux professionnels (médecins, avocats, journalistes) d’être actifs dans l’exercice de leur métier de matière autonome et indépendante, pourraient ainsi être bafouées de manière systématique et souterraine.

La sûreté de l’Etat dans le cadre de ses activités peut utiliser cette loi, dans le cadre de "la recherche, l’analyse et le traitement du renseignement relatif à toute menace contre la pérennité de l’ordre démocratique et constitutionnel ainsi que contre le potentiel scientifique et économique du pays et d’en informer le gouvernement."

Alors comment se fait-il que cette loi « Big Brother » ait pu passer si discrètement en plein été, la veille des vacances parlementaires, en dessous de tous les radars protecteurs de la bonne vieille démocratie belge ? George ORWELL nous éclaire à nouveau sur un tel climat d’adhésion sans faille : « Tel est le monde que nous préparons, Winston. Un monde où les victoires succèderont aux victoires et les triomphes aux triomphes ; un monde d’éternelle pression, toujours renouvelée, sur la fibre de la puissance. Vous commencez, je le vois, à réaliser ce que sera ce monde, mais à la fin, vous ferez plus que le comprendre. Vous l’accepterez, vous l’accueillerez avec joie, vous en demanderez une part. ».

De l’indifférence actuelle à la « joie » évoquée par ORWELL, il ne reste qu’un petit pas …

Le plus inouï avec cette loi « Big Brother », c’est qu’en réalité son objectif certain d’être réalisé, c’est de réussir le flicage de monsieur et madame tout-le-monde, puisque sur le plan technique, une simple configuration technique permet de passer d’un serveur mail SMTP à une connexion cryptée SSL avec un webmail à distance, en sorte qu’il est relativement aisé en faisant usage des bonnes configurations de base disponibles, d’envoyer et de recevoir vos emails en totale indépendance par rapport à votre opérateur télécom.

Pour informer chacun quant aux possibilités de garder plus de discrétion, la radio RTBF a présenté dans son émission MédiaTIC du 7 novembre 2013: « Tor, le logiciel qui permet de naviguer anonymement dans la face cachée du web » en le présentant en précisant que « Le logiciel permet de surfer dans l’anonymat le plus total, loin de tout regard indésirable. Son système a été conçu dans le but d’éviter de pouvoir être traqué sur le Net. Depuis le scandale de l’espionnage américain, le nombre d’utilisateurs de cet outil a explosé. En un an, il est passé de 500.000 à 4 millions d’utilisateurs quotidiens. Tous peuvent désormais naviguer dans ce que l’on appelle le Deep Web, qui est en quelques sortes la couche cryptée du Net. »

Quelles sont les références légales des textes publiés :

La loi du 30 juillet 2013 a été publiée le 23 août 2013 au Moniteur belge.

L’arrêté royal d’exécution du 19 septembre 2013 a été publié au Moniteur belge en date du 8 octobre 2013 (ce texte comporte plus d’une centaine de pages).

La Loi Anti-Internet constitue une menace pour le respect de toute vie privée sur Internet pour les particuliers :

« L’Internet pour Tous » implique le droit d’accès et d’utilisation d’Internet dans le respect de la protection de la vie privé, du secret professionnel, des libertés fondamentales et des droits de l’homme.

Comment les utilisateurs des nouvelles technologies de communication devraient-ils subitement se voir contraints d’accepter de laisser une copie des clés de leur maison permettant par exemple, d’accéder à leur cave ou à leur grenier, à tout moment et à leur insu le plus total ?

Ces menaces sont malheureusement devenues une réalité depuis la publication de la loi du 30 juillet 2013 (appelée Loi Big Brother en Belgique) au Moniteur belge du 23 août 2013, ainsi intégrées dans le droit positif belge …

Pour mémoire, la Cour constitutionnelle allemande a déjà pris attitude concernant la Loi Big Brother en Allemagne.

La Loi Anti-Internet porte atteinte à la liberté d’expression et à « l’Internet pour tous », et remet en question le respect du « secret professionnel » en général :

D’emblée, cette loi porte potentiellement atteinte au secret professionnel des journalistes (secret des sources, fondement démocratique du 4° pouvoir), des médecins (relation de confiance et colloque singulier), des avocats (secret professionnel), des syndicalistes, et de tout autre profession tenue au secret professionnel, y compris les fonctionnaires, les magistrats, les membres du Parquet, les ministres, les dirigeants des partis politiques du gouvernement ou de l’opposition, les parlementaires, les Ambassadeurs et membres du corps diplomatique, etc., la liste s’étend à presque l’infini.

Le fait que ces nouvelles dispositions portent ne fut-ce que « potentiellement » atteinte au respect du secret professionnel constitue un réel problème sur le plan juridique car le secret professionnel se doit bien entendu d’être une garantie totale, sous peine de ne plus exister du tout.

Les conséquences de cette loi « Big Brother » doivent encore être examinées dans le détail puisque par le biais de l’ensemble des appareils informatiques permettant aux utilisateurs d’envoyer des sms, des mms, des emails, des consultations de site par Internet, ou réseaux sociaux et de tout autre moyen de communication électronique et informatique, y compris par le wifi, tout un chacun peut se distinguer de manière différenciée quant à son « intérêt à agir » qui lui est spécifique concernant la défense de sa liberté d’expression et de la protection de sa vie privée.

La simple menace d’atteinte au respect de la vie privée eu égard au stockage généralisé des données visées risque d’influencer la liberté d’expression des utilisateurs, en constituant une atteinte majeure pour ce qui concerne le respect du secret professionnel,  comme l’illustre le Rapport au Roi publié avec l’arrêté d’exécution du 19 septembre 2013 (cfr MONITEUR BELGE du 08.10.2013 − Ed. 3 — page 70829) :

« Deux sous-catégories sont prévues selon le type de données à conserver pour chacune des catégories de fournisseurs susvisées.

Il s’agit d’une part des données qui sont liées à l’abonnement, à l’inscription au service ou à l’utilisation du service et qui permettent d’identifier l’utilisateur final, le service de communications utilisé et l’équipement terminal qui est présumé avoir été utilisé (ci-après la première catégorie de données). Ces données sont visées au paragraphe 1er des articles 3, 4, 5 et 6 de l’arrêté. Comme ces données ne varient pas ou peu, elles sont relativement « statiques ».

Il s’agit d’autre part des données de trafic et de localisation au sens des articles 2, 6° (données de trafic) et 2, 7° (données de la localisation) de la LCE (ci-après la seconde catégorie de données). Ces données sont visées au paragraphe 2 des articles 3, 4, 5 et 6 de l’arrêté. Ces données fluctuent constamment selon les communications et ont donc une nature « dynamique ».

L’article 1.2 de la directive prévoit d’ailleurs « qu’elle s’applique aux données relatives au trafic et aux données de localisation concernant tant les entités juridiques que les personnes physiques, ainsi qu’aux données connexes nécessaires pour identifier l’abonné ou l’utilisateur enregistré ». Le présent arrêté vise les données de localisation et de trafic (§ 2 des articles 3 à 6) ainsi que les données d’identification des utilisateurs finals, du service de communications électroniques utilisé et de l’équipement terminal qui est présumé avoir été utilisé (§ 1er des articles 3 à 6). Le but ultime de l’identification de l’équipement terminal qui est présumé avoir été utilisé et du service de communications électroniques utilisé est de pouvoir identifier les utilisateurs finals participant à la communication électronique. »

En tout état de cause, et concernant plus particulièrement le respect du secret professionnel, par exemple pour les avocats, celui-ci disparait tout bonnement, puisque déjà rien que le fait d’être consulté par un client est (était) en principe couvert par le secret professionnel …

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