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Demander en référé le transfert d’un nom de domaine ? La Cour de cassation se montre très réticente.

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La Cour de cassation met bon ordre dans la polémique relative à l’application dans le temps de l’article R 20-44-45 du code des postes et des communications électroniques, destiné à renforcer la protection face aux enregistrements abusifs de noms de domaine en .fr. La Cour se penche aussi sur les pouvoirs du juge des référés face à une demande de transfert de nom.

Le différend oppose une société en nom collectif Sunshine, titulaire de la marque Sunshine, à Monsieur André D. qui l’avait réservé, ainsi qu’à la société OVH qui est intervenue comme prestataire et à l’Afnic. 

Se fondant sur l’article R 20-44-45 du code des postes et des communications électroniques, la société Sunshine demandait en référé au tribunal : 1) d’ordonner le transfert de l’enregistrement du nom de domaine à son bénéfice ; 2) de dire la décision opposable à l’Afnic ; 3) de condamner Monsieur André D. et la société OVH aux dépens. 

L’article R 20-44-45 du code des postes et des communications électroniques, a été introduit par le décret n° 2007-162 du 6 février 2007 relatif à l’attribution et à la gestion des noms de domaine de l’internet. Il prévoit que :

« Un nom identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle par les règles nationales ou communautaires ou par le présent code ne peut être choisi pour nom de domaine, sauf si le demandeur a un droit ou un intérêt légitime à faire valoir sur ce nom et agit de bonne foi. ».

Selon la société Sunshine, il résulte de cette disposition que ni Monsieur André D. ni la société OVH ne pouvait porter atteinte à ses droits en réservant de manière irrégulière et manifestement illicite ce nom, violant ainsi les droits d’une marque antérieure. 

Le TGI statuant en référé

Le TGI saisi en référé constate que Monsieur André D. a choisi le nom "Sunshine" pour identifier le site internet exploité par la société Sunshine Productions dont il est le gérant, que ses statuts ont été enregistrés le 16 mai 2005, son immatriculation effectuée le 22 juin 2005, de sorte que c’est manifestement pour le bénéfice de celle-ci qu’il a procédé à sa réservation le 7 avril 2005. 

Le TGI note que la réservation du nom de domaine litigieux est intervenue à une date très antérieure à la promulgation du décret invoqué. Dans ces conditions, le tribunal considère qu’il n’a y lieu à référé, le trouble n’apparaissant pas manifestement illicite. Il renvoie la balle à  la juridiction saisie, le cas échéant, au fond afin d’apprécier l’identité ou le risque de confusion entre le nom de domaine et la marque. 

L’arrêt de la cour d’appel

Sur appel de cette ordonnance, la cour d’appel de Paris a rendu le 16 janvier 2008 une décision quelque peu étonnante. 

En ce qui concerne la demande de transfert, la Cour a jugé que : 

« Considérant que s’il est établi que Monsieur D. a réservé le nom de domaine litigieux auprès d’OVH, absolument aucun élément ne permet de soutenir qu’il l’a fait pour le compte de la société – la SARL- dont il est le gérant, si ce n’est son affirmation ; qu’il ne communique d’ailleurs pas les documents justifiant qu’il ait effectué les démarches prévues par l’article R.210-5 du code du commerce (sans s’expliquer sur ce point, invoqué par la SNC), qu’il n’aurait pas manqué de le faire si tel avait été le cas.

Considérant que Monsieur D.  ne justifie donc d’aucun droit ni d’un intérêt légitime – au sens de l’article R. 20-44-45 du code des postes et télécommunications électroniques tel qu’il résulte du décret 2007-162 du 6 février 2007, applicable au jour où la cour statue – à choisir le nom de domaine qui est la marque – justifiée – de la SNC ;

Que le juge avec les pouvoirs de l’article 809 du NCPC peut donc ordonner le transfert du nom de domaine « sunshine.fr » au bénéfice de la SNC ;

Considérant que s’il n’est pas démontré que l’AFNIC a été nommée en qualité d’office prévu à l’article R.20-44-35 du code des postes et télécommunications électroniques il n’en demeure pas moins que l’AFNIC est tenue d’exécuter une décision de justice (ce qu’elle s’est d’ailleurs engagée à faire) et de respecter les prescriptions de la loi ; que de même la SNC, qui a recours aux services de l’AFNIC devra respecter les prescriptions contractuelles de celles-ci, non contraires à ladite loi ; (…) ». 

N’ayant pas connaissance des faits du dossier, nous ne nous prononcerons pas sur la question de savoir si Monsieur D. a réservé le nom de domaine litigieux pour lui ou pour la SARL dont il est le gérant. 

Plus étonnante est la position de la Cour quant à l’application même de l’article R 20-44-45 du code des postes et des communications électroniques. La Cour n’a eu aucun égard à la remarque – pertinente nous semble-t-il – selon laquelle la réservation du nom de domaine litigieux est intervenue à une date très antérieure à la promulgation du décret invoqué. 

Avec d’autres (M. Manara notamment), on peut légitimement s’interroger quant à la raison pour laquelle la Cour a jugé qu’un nom choisi et enregistré avant l’entrée en vigueur du décret, tombait dans le champ d’application de ce décret, dès lors qu’elle ne considère pas ses dispositions comme d’ordre public et donc applicables aux contrats d’enregistrement en cours.

L’arrêt de la cour de cassation

Par arrêt du 9 juin 2009, la cour de cassation met bon ordre dans cette polémique.

Elle estime que :

« Attendu que pour ordonner le transfert au profit de la société Sunshine du nom de domaine enregistré par M. D…, l’arrêt retient que ce dernier ne justifie d’aucun droit ni d’aucun intérêt légitime, au sens de l’article R. 20-44-45 du code des postes et communications électroniques, tel qu’il résulte du décret n° 2007-162 du 6 février 2007, applicable au jour où la cour statue, à choisir le nom de domaine qui est la marque de la société Sunshine ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que si la loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, elle ne peut remettre en cause la validité d’une situation régulièrement constituée à cette date, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

La Cour va plus loin, et se penche sur la compétence du juge des référés face à une demande de transfert de nom de domaine. Sur ce point, son arrêt risque bien de laisser des traces :

« Attendu que pour ordonner le transfert de l’enregistrement du nom de domaine "sunshine.fr" au bénéfice de la société Sunshine, l’arrêt retient que M. D… ne justifie d’aucun droit, ni d’aucun intérêt légitime, à choisir le nom de domaine qui est la marque de la société, et que le juge, avec les pouvoirs de l’article 809 du code de procédure civile, peut ordonner le transfert ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le transfert de l’enregistrement du nom de domaine au bénéfice de la société Sunshine ne constituait ni une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en état, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs ».

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