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Site Internet syndical : la liberté d’expression se heurte à l’obligation de discrétion

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Les syndicats de salariés ont pris conscience du formidable vecteur de communication que peut représenter un site internet. Rapidité, facilité d’utilisation, large diffusion et faible coût font de l’utilisation de cet outil un élément aujourd’hui incontournable de l’activité syndicale. Toutefois, cette liberté d’expression syndicale sur le réseau trouve une limite dans la protection de l’intérêt…

Les syndicats de salariés ont pris conscience du formidable vecteur de communication que peut représenter un site internet. Rapidité, facilité d’utilisation, large diffusion et faible coût font de l’utilisation de cet outil un élément aujourd’hui incontournable de l’activité syndicale. Toutefois, cette liberté d’expression syndicale sur le réseau trouve une limite dans la protection de l’intérêt de l’entreprise. Depuis les quatre lois dites « Auroux » de 1982, le législateur a toujours accompagné le développement de la participation des salariés à la vie économique de l’entreprise de certaines barrières permettant la préservation de la confidentialité nécessaire au sein d’un environnement concurrentiel. Si la transparence et la communication s’avèrent indispensables entre les directions et leur personnel, la discrétion sur certaines informations capitales pour l’entreprise n’en reste pas moins tout aussi légitime.

L’information devient enjeu de pouvoir dans l’entreprise. Bien que le Code du travail tente d’organiser le conflit perpétuel entre la liberté d’expression des syndicats et l’obligation de discrétion imposée par l’employeur, le développement des échanges sur Internet complexifie le débat en le portant en dehors de l’enceinte de l’entreprise. Si, dans le domaine de l’utilisation syndicale des NTIC, la loi n°2004-391 du 4 mai 2004 a fait un pas en ouvrant la voie de la négociation entre les partenaires sociaux, le droit d’accès des organisations syndicales n’est toujours pas consacré par le législateur laissant ainsi une fois de plus aux tribunaux la difficile tâche de combler un vide juridique avec les instruments existants.

Tribunal de Grande Instance de Bobigny, 11 janvier 2005, TNS Secodip c/ Fédération C.G.T. des sociétés d’études. Voici un jugement inédit apportant un nouvel exemple de confrontation des libertés des salariés au pouvoir de l’employeur à l’occasion de l’utilisation des NTIC.

Le litige mettait en cause la publication par la fédération C.G.T. des sociétés d’études sur un site Internet de rubriques d’informations sur la vie sociale au sein de la société TNS Secodip. Ces pages Internet mettaient notamment en ligne des tracts, rapports d’expertise et comptes rendus de négociations internes à l’entreprise.

Informée de l’accès donné au public sur le réseau à ces documents, la direction de la société TNS Secodip a saisi le juge aux fins d’obtenir à titre principal le retrait des publications litigieuses.

La société a réclamé la suppression de certains documents du site Internet de la Fédération C.G.T. considérant que l’accès donné au public permettrait à des clients ou des sociétés présentes sur le même marché de prendre connaissance de documents confidentiels, nuisant ainsi aux intérêts concurrentiels de l’entreprise. Cette demande se fondait essentiellement sur l’obligation de discrétion des représentants du personnel et sur le caractère confidentiel des informations publiées.

La Fédération C.G.T. quant à elle, considérait devoir être qualifiée de personne extérieure à l’entreprise, ne disposant d’aucun lien contractuel ou légal avec la société. Le syndicat soutenait ainsi que l’obligation de discrétion prévue par le Code du travail ne lui était à ce titre pas opposable et que cette restriction injustifiée portait atteinte à la liberté d’expression syndicale.

Le Tribunal de Grande Instance de Bobigny, suivant pour partie l’argumentaire de l’employeur, a décidé que la plupart des documents publiés avaient un caractère confidentiel et, en conséquence, se trouvaient soumis à l’obligation de discrétion s’imposant aux salariés et, indirectement, aux syndicats les représentant. La Fédération devait dès lors cesser la publication de ces éléments.

Ce jugement appelle ainsi les syndicats à une attention particulière dans l’exercice de leur droit d’expression par le canal que constitue Internet. Malgré un raisonnement à la motivation parfois hasardeuse, le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bobigny nous fournit l’occasion de revenir sur les contours du secret au sein de l’entreprise (I) et de définir, le concernant, les obligations de chaque acteur de l’expression individuelle et collective (II). Cette affaire est assurément la preuve que les frontières de la confidentialité dans l’entreprise sont mises à mal par l’utilisation d’Internet.

I. LA HIERARCHIE DU SECRET DANS L’ENTREPRISE

La force de l’entreprise est souvent le fruit de son avance sur ses concurrentes. Le secret reste ainsi indispensable dans la bataille livrée sur le marché. Cependant, les clients, l’Etat, et avant tout les salariés sont également légitimes à réclamer la transparence de certaines informations mettant en jeu d’autres intérêts ne relevant pas d’une pure logique économique. Face à cette confrontation des intérêts naît une hiérarchie du secret au sein des sociétés.

1. Le secret professionnel et les informations réputées confidentielles par la loi.

Le premier cercle de la discrétion dans l’entreprise est tracé par le législateur qui qualifie certaines informations de confidentielles par nature.

L’article L. 432-7 du Code du travail protège en priorité le noyau dur de la compétitivité d’une entreprise : l’avance technique constituée par ses secrets de fabrique. « Les membres du comité d’entreprise et les délégués syndicaux sont tenus au secret professionnel pour toutes les conditions relatives aux procédés de fabrique ».

Bien sûr, cette obligation concerne un nombre de personnes très restreint et des informations confidentielles très particulières. Le Code du travail sanctionne pénalement la méconnaissance de cette obligation à l’article L. 152-7 : « Le fait, pour tout directeur ou salarié d’une entreprise où il est employé, de révéler ou de tenter de révéler un secret de fabrique est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende » (Cette incrimination est le pendant de l’article L. 226-13 du Code pénal prévoyant que la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende). L’article prévoit également la possibilité d’une peine complémentaire pouvant aller jusqu’à 5 ans d’interdiction des droits civiques et de famille; cette condamnation n’écartant pas la possibilité de sanctions disciplinaires ou d’une mesure de licenciement.

Au-delà des secrets de fabrique, la loi a étendu l’obligation de discrétion à certaines informations financières que l’on pourrait qualifier de « sensibles ». C’est ainsi que l’article L. 432-4 du Code du travail considère que les documents comptables produits au sein de certaines sociétés doivent être réputés confidentiels (société commerciale qui, à la clôture de l’exercice social, comptent 300 salariés ou plus, ou dont le montant net du chiffre d’affaires atteint les 18.000.000 euros, à la même époque, ou toute autre société établissant ces documents. Décret n°67-236 du 23 mars 1967, modifié par le décret n°2005-112 du 10 février 2005). Sont plus particulièrement visés par cette protection les documents établissant une situation de l’actif réalisable et disponible, valeurs d’exploitation exclues, et du passif exigible, ainsi qu’un compte de résultat prévisionnel et un tableau de financement (article L. 432-4 du code du travail, alinéa 11, et les articles L. 232-2 à 232-4 du Code de commerce ).

La même présomption simple de confidentialité (voir B. TEYSSIE, « L’alerte par le comité d’entreprise », RJ com. 1986, p.69) est prévue à l’article L. 432-5 du Code du travail pour les documents transmis dans le cadre d’une procédure d’alerte déclenchée par un comité d’entreprise ayant connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise.

Le législateur a voulu par ces dispositions créer une certaine opacité autour de la situation financière de l’entreprise afin que les difficultés dont les représentants des salariés ont connaissance, restent inconnues des sociétés concurrentes.

2. Les informations désignées comme confidentielles par l’employeur.

Le second cercle de la confidentialité dans l’entreprise est laissé à l’appréciation du chef d’entreprise.

L’employeur reste maître du secret dans sa société (La jurisprudence en contrôle tout de même les abus. Pour un exemple : Cass. crim., 4 novembre 1982, Alsthom Unelec, Dr. ouvrier 1983.417). Ainsi le caractère confidentiel d’une information ne résulte-t-il pas seulement de la volonté du législateur mais relève également de la décision du chef d’entreprise : « En outre, les membres du comité d’entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le chef d’entreprise » (article L. 432-7, alinéa 2 du Code du travail).

Par conséquent, une information ne peut être couverte par l’obligation de discrétion que si cette dernière est à la fois objectivement ou légalement qualifiable de confidentielle, mais également déclarée en tant que telle par le chef d’entreprise (Exemple : TGI Bobigny, 6 mai 1993, Dassault Falcon Service c/ CE Aéroport du Bourget et autres : l’obligation de discrétion ne peut être invoquée que pour une information qui a objectivement un caractère confidentiel; caractère que ne comporte pas une information déjà connue du personnel). Le Code du travail invite donc le juge à constater la réunion de ces deux conditions cumulatives pour considérer qu’un document doit être protégé par l’obligation de discrétion. (Maurice COHEN, « Le droit des comités d’entreprise et des comités de groupe », LGDJ, 7ème éd., p. 543; voir aussi : CA Rennes, 30 mars 1983, S.A.R.L. J-B MARTIN, RJ Com. 1984, p. 30, note DE FONTBRESSIN)

Or, ce raisonnement en deux étapes imposé par le texte semble faire défaut dans la motivation du jugement du TGI de Bobigny du 11 janvier 2005.

En effet, le magistrat a qualifié directement ou implicitement d’informations confidentielles, des documents concernant notamment le chiffre d’affaires des panels et la profitabilité des créations publicitaires, mais aussi l’évolution des salaires (grilles salariales comportant les salaires d’embauches, augmentation et intéressement, ainsi que les négociations afférentes des trois dernières années).

Si effectivement l’information relative au chiffre d’affaire de la société peut être légitimement considérée comme confidentielle (Voir notamment une ordonnance de référé du TGI de Lyon du 11 décembre 1984, Dr. soc 1985, p.115, Obs. J. SAVATIER), la même solution peut s’avérer plus discutable concernant les négociations et les grilles salariales. Quant bien même pourrions-nous juger cette appréciation entièrement fondée, la décision du Tribunal de Grande Instance ne mentionne à aucun moment la seconde condition relative à la déclaration de confidentialité faite par l’employeur exigée par le texte.

Or, l’article L. 432-7 du Code du travail ne se limite pas à l’appréciation objective du caractère confidentiel de l’information mais exige de surcroît sa désignation explicite en tant que telle par le chef d’entreprise. La motivation du juge devrait, pour être en parfaite adéquation avec le Code du travail, comporter ces deux étapes.

A cet égard, Maurice COHEN considère pour sa part que, si aucune demande de discrétion n’est faite par l’employeur avant la séance du comité ou au cours de celle-ci, ou si la demande ne vise pas l’information litigieuse, l’employeur, ne pourrait pas invoquer un manquement à l’obligation de confidentialité en soutenant que cette information était confidentielle.

L’absence de déclaration de confidentialité ou son arrivée tardive pourraient ainsi priver l’employeur de tout recours par la suite. Cette remarque semble relever du bon sens : dans quelle mesure peut-on reprocher à un représentant du personnel la diffusion d’une information qui n’a pas été expressément et initialement qualifiée de confidentielle par l’employeur ?

De même, la décision du Tribunal de Grande Instance de Bobigny fournit une motivation quelque peu étrange pour interdire la publication de documents relatifs à l’égalité professionnelle au sein de l’entreprise.

Ces documents n’étaient en réalité que des extraits de procès-verbaux du comité d’entreprise soumis à ce titre pour leur diffusion à l’article L. 434-4 du Code du travail. Cette disposition, explicitée par la jurisprudence, prévoit l’affichage dans l’entreprise des procès verbaux au sein de l’entreprise sous réserve que ces derniers n’enfreignent pas l’obligation de confidentialité et ne contiennent aucun propos inexacts ou injurieux (Lettre ministérielle n°1790 du 6 mars 1989).

Pour fonder l’interdiction de publication des procès-verbaux visés, le Tribunal invoque une fois de plus l’obligation de discrétion sans toutefois en caractériser l’existence, ainsi qu’un « singulier raisonnement » (J-E. RAY, « De l’accès intranet aux sites internet syndicaux », SSL du 7 février 2005, n°1201, p.6) prenant pour fondement la « vie privée de l’entreprise ».

Bien que la motivation puisse sembler erronée, la décision n’en demeure pas moins justifiée. En effet, l’article L. 434-4 du Code du travail prévoit que la diffusion des procès-verbaux s’effectue dans l’entreprise. L’information reste par conséquent destinée au seul personnel, constituant ainsi un obstacle à la diffusion de tels documents sur un site internet accessible, par définition, au public. Si la publication de procès–verbaux doit être considérée comme légitime sur l’intranet d’une entreprise, leur retranscription sur un site extérieur à la société peut être légitimement considérée comme prohibée.

Cette décision du Tribunal de Grande Instance nous fournit au travers de l’analyse des différents documents en cause une illustration des difficultés que peuvent rencontrer les juges dans la détermination du champ matériel de l’obligation de discrétion, et par voie de conséquence, des modalités d’exercice du droit d’expression. L’appréciation du caractère confidentiel au regard de la hiérarchie du secret construite par le Code du travail s’avère d’autant plus complexe qu’elle se double de la problématique identification des personnes tenues à cette discrétion.

II. LES PERSONNES LIEES PAR LE SECRET DE L’ENTREPRISE

L’information confidentielle est, par nature, destinée à un cercle restreint de personnes : le secret ne fait pas bon ménage avec la multitude. Dès lors, l’obligation de discrétion peut raisonnablement peser que sur certains acteurs de l’entreprise. Cependant avec la multiplication des interlocuteurs et des voies d’expression, le champs de la confidentialité devient plus difficile à délimiter. Quelles sont les personnes liées par le secret de l’entreprise ?

Cette nous offre une illustration des limites du Code du travail face à l’utilisation des NTIC par les organisations syndicales : son application reste attachée au contrat de travail et donc au périmètre de l’entreprise. Le droit d’expression sur Internet nous éloigne ainsi du rapport de travail et implique corrélativement un affaiblissement de la pertinence des règles du droit social. L’obligation de discrétion peut-elle avoir un impact en dehors de l’entreprise ?

1. Les représentants des salariés

L’article L. 432-7 du Code du travail dispose que sont tenus à l’obligation de discrétion « les membres du comité d’entreprise et les délégués syndicaux ». Il faut ainsi entendre que tout membre titulaire ou suppléant du comité d’entreprise, et que tout représentant syndical siégeant à cette institution doivent respecter cette confidentialité (L’article L.432-7 du Code du travail est issu d’une loi du 16 mai 1946, époque à laquelle seuls les délégués syndicaux auprès du comité d’entreprise existaient. Cette rédaction n’ayant jamais été modifiée, il y a lieu de penser que cette formulation ne peut s’étendre à tout représentant syndical de l’entreprise.)

Bien sûr, par extension, l’obligation de discrétion s’impose dans les mêmes termes aux délégués du personnel exerçant les attributions économiques du comité d’entreprise lorsque celui-ci est absent de l’entreprise, ainsi qu’aux membres de la commission économique du comité d’entreprise ou du comité central d’entreprise (article L. 434-5 c. trav.), mais aussi aux représentants du comité d’entreprise au conseil d’administration (Art. L. 225-37, al.4 du Code de commerce) ou de surveillance (Art. L. 225-92 du Code de commerce), ou bien encore aux représentants du personnel dans le cadre d’une procédure de règlement judiciaire (Art. L. 621-36 du Code de commerce).

Le Code du travail impose donc l’obligation de discrétion à un nombre limité de personnes bien identifiées. Peut-on dans ces conditions l’étendre à d’autres acteurs non visés par le texte, c’est-à-dire ne siégeant pas dans ces institutions ?

C’est ce que tente de pratiquer le jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny par une motivation hasardeuse mettant en cause la Fédération C.G.T. des sociétés d’études. Pour étendre cette obligation de discrétion prévue par le Code du travail à un syndicat entièrement étranger à l’entreprise, le magistrat retient que la Fédération « tient ses informations des salariés de l’entreprise et qu’elle doit représenter leurs intérêts et non les amener à violer leurs obligations contractuelles ou légales ».

Curieux raisonnement car les salariés de l’entreprise ne sont normalement pas tenus à cette obligation de discrétion visée par l’article L. 432-7 lorsque ceux-ci ne siègent pas dans les instances représentatives.

Outre le respect du secret professionnel, l’obligation de discrétion du salarié consiste essentiellement à ne pas divulguer à des tiers les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui risquent de nuire à la bonne marche de l’entreprise. Cette situation concerne le plus souvent des personnes exerçant certaines responsabilités dans l’entreprise et disposant d’informations sensibles relatives à la situation financière de l’entreprise ou à sa stratégie économique (Voir pour exemples, Cass. 30 juin 1982, Bull. civ. 1982, V, n°314; Cass. soc. 25 novembre 1998, Seuillet c/ SA Proxima, non publié au Bull. civ.). Une information connue de l’ensemble du personnel pourrait être raisonnablement considérée comme devenue publique et, par conséquent, ne pourrait plus faire l’objet d’une obligation de discrétion (TGI Bobigny, 6 mai 1993, préc.).

De plus, les syndicats, par le caractère représentatif, n’en sont pas pour autant responsables du fait des salariés qu’ils défendent.

Pour faire face à la complexité engendrée par la multiplicité des représentants des salariés et l’utilisation de voies de communications extérieures de la société, le juge ajoute au texte régissant la confidentialité une extension injustifiée.

Cette interprétation extensive se retrouve dans la motivation relative au tract. Le Tribunal invoque une violation de l’article L. 412-8 du Code du travail quand bien même ce syndicat ne possède aucune relation directe avec l’entreprise et que la diffusion du tract se fait au public et donc en dehors de l’enceinte de la société. Or, ce texte n’a vocation qu’à régir la communication syndicale au sein de l’entreprise. (Voir notamment TGI Nanterre (ordonnance de référé) du 26 octobre 2004, comm. S. HADJALI in Gazette du Palais n°23 à 25, janvier 2005 : Visant l’article L. 412-8 du Code du travail, le Tribunal a ordonné à deux délégués syndicaux de l’entreprise la cessation de toute diffusion de communication syndicale en direction des salariés de la société par le biais de la messagerie professionnelle compte tenu de l’inexistence d’un accord d’entreprise).

Comme en témoigne un arrêt récent de la Cour de cassation (Arrêt « Clear Channel » de la chambre sociale du 25 janvier 2005 dans lequel la Fédération CFDT des Services a été condamnée pour avoir envoyé sur l’adresse électronique de tous les salariés de la société Clear Channel un tract sur des négociations salariales. Voir comm. J-E RAY, SSL n°1201, 7 février 2005), les difficultés posées par l’utilisation syndicale des sites Internet peuvent amener les juridictions à une application étendue des textes du Code du travail en dehors du périmètre de l’entreprise. Toutefois dans ces décisions la nécessité d’un lien, si ténu soit-il, avec la société concernée semble indispensable. Or, dans la présente affaire, le tract n’a pas été diffusé auprès des salariés de l’entreprise demanderesse mais simplement affiché sur le réseau public Internet.

Bien qu’en l’absence de texte spécifique concernant l’activité syndicale sur Internet le Code du travail puisse s’avérer être l’un des seuls outils mobilisable, il convient de ne pas oublier que son application reste cantonnée aux rapports de travail et ne peut, par conséquent, imposer des obligations aux personnes entièrement extérieures à l’entreprise.

2. Les experts

Le jugement du Tribunal de grande instance nous permet également de rappeler que l’obligation de discrétion s’impose à un autre intervenant au sein des comités d’entreprise: l’expert. Le magistrat rappelle de manière entièrement justifiée que la divulgation du contenu des rapports élaborés par les experts constitue une violation de l’obligation de discrétion.

En effet, l’article L. 434–6 du Code du travail prévoit que « les experts […] sont tenus aux obligations de secret et de discrétion tels que définies à l’article L. 432-7. ».

Ainsi l’ensemble des experts auprès du comité d’entreprise doit-il être considéré comme soumis à l’obligation de confidentialité : expert-comptable (article L. 432-2 c. trav.), expert en nouvelles technologies (article L. 432-2 c. trav.), expert libre, ou encore les experts auprès des commissions spécialisées (article L. 434-7 c. trav.).

L’expansion des frontières de la relation de travail au-delà de l’enceinte de l’entreprise oblige les juridictions à adopter une interprétation extensive parfois erronée des dispositions du Code du travail.

Ce jugement du Tribunal de Grande Instance de Bobigny doit aussi être interprété comme une invitation faite aux syndicats à demeurer vigilants sur le respect de leur obligation de discrétion lors de la publication de documents sur leurs sites Internet. Les récentes décisions rendues en la matière ont souvent retenu la responsabilité des organisations syndicales concernées.

Mais au-delà de cette affaire, les syndicats et les employeurs doivent aujourd’hui prendre conscience que depuis la loi du 4 mai 2004 (Patrice ADAM, « NTIC et action syndicale dans l’entreprise », Bull. social Francis Lefebvre, BS 01/05 p. 5), la suppression des incertitudes juridiques sur l’utilisation des NTIC dans l’entreprise leur appartient désormais par la voie de la négociation collective.

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