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An 2000 : premier jugement en France

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A notre connaissance, la décision du tribunal de commerce de Créteil du 16/6/1998 est la première en France à se pencher sur le bogue de l’an 2000. Le site Juriscom vient de mettre en ligne cette décision particulièrement intéressante. Voyons brièvement les faits et les enseignements principaux que l’on peut tirer de la décision. Les…

A notre connaissance, la décision du tribunal de commerce de Créteil du 16/6/1998 est la première en France à se pencher sur le bogue de l’an 2000. Le site Juriscom vient de mettre en ligne cette décision particulièrement intéressante.

Voyons brièvement les faits et les enseignements principaux que l’on peut tirer de la décision.

Les faits et les procédures

La société Appel 24/24 gère un service de secrétariat permanent, tâche qu’elle exerce grâce à un centre serveur informatisé. Dans ce but, elle a contracté à plusieurs reprises depuis 1988, et pour l’essentiel en 1991, avec la société Novatel.

Par lettre du 11/2/1997, Novatel signalait que le logiciel utilisé « Novatel 3000 » n’est pas apte à franchir l’an 2000, tout en indiquant que moyennant la conclusion d’un contrat de maintenance de 5 ans et une mise à niveau, le problème pouvait être résolu.

A suivi un nombre considérable d’instances judiciaires provisoires et de décisions interlocutoires que nous n’analysons pas ici.

Au fond, Appel 24/24 demande de condamner sous astreinte la défenderesse à installer les correctifs nécessaires, ou subsidiairement de communiquer le code source du programme.

Moyens avancés et réponses du tribunal

  1. Obligation de conseil

    Appel 24/24 invoque tout d’abord un manquement à l’obligation de conseil, Novatel ne lui ayant pas signalé en 1991 que le logiciel ne franchirait pas l’an 2000.

    A cet égard, le jugement rappelle que l’obligation de conseil doit s’apprécier en fonction des capacités des parties. Vu les caractéristiques des faits de la cause, le magistrat a refusé de sanctionner Novatel sur cette base :

    Attendu que si, de façon générale, un devoir de conseil pèse sur tout professionnel, même en dehors du contrat de vente, et des lors même qu’il s’agit d’une simple prestation de services, il est également acquis que ce devoir ne s’impose que vis-à-vis d’une clientèle non avertie ;

    Qu’il n’est pas conteste qu’Appel 24/24 utilisait de longue date l’informatique et qu’elle a participe en 1992 à la mise au point d’un logiciel ; que, sans être aussi qualifiée que Novatel Communication en la matière, elle ne pouvait être que consciente que les possibilités du progiciel qui lui était nécessaire devaient permettre de tenir des agendas professionnels pour un avenir éloigné.

  2. Obligation de délivrance des accessoires et de l’usage perpétuel

    Appel 24/24 avance ensuite un manquement à l’article 1615 du code civil qui impose de livrer la chose vendue ainsi que « les accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ».

    Le tribunal a estimé :

    qu’il ne saurait être sérieusement prétendu que [l’article 1615 du code civil] devait avoir pour conséquence en la matière d’imposer la garantie d’un usage perpétuel dans un domaine technique, particulièrement évolutif et où il est constant que les impératifs du passage à l’an 2000 n’ont pas été pris en compte par l’ensemble des professionnels jusqu’à une date récente.

  3. Vice caché

    Appel 24/24 reproche enfin à Novatel de lui avoir vendu un bien atteint d’un vice caché.

    Ici non plus le tribunal a refusé de suivre la demanderesse, estimant qu’elle ne prouve pas que l’inadéquation du système à franchir l’an 2000 est un élément qui rend le système « impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis, ou n’en aurait donne qu’un moindre prix s’il l’avait connu ».

    Le tribunal conforte son appréciation en relevant qu’Appel 24/24 ne prouve pas qu’à l’époque de la conclusion du contrat les produits concurrents avaient pris en compte la nécessité de l’an 2000, sous-entendant ainsi que le produit a été développé en 1991 conformément aux standards en vigueur et n’est donc pas vicié.

Commentaires

Il ne fait aucun doute que cette décision sera abondamment publiée et commentée. Pour notre part, nous relèverons deux choses qui nous semblent importantes :

  • Le tribunal se penche sur l’obligation de conseil pour conclure qu'<U<en l'espèce elle n’a pas été violée, eu égard aux connaissances particulières de la demanderesse en matière informatique. Nous pensons que le même raisonnement appliqué à d’autres faits pourrait dès lors aboutir à une conclusion radicalement différente.

  • Nous regrettons que le tribunal n’ait pas répondu à l’argument de la défenderesse selon lequel l’article 1615 du code civil et la théorie des vices cachés ne sont pas applicables, la livraison du logiciel n’étant pas une vente au sens juridique du terme.

    On sait en effet qu’il s’agit d’un débat brûlant : il est fermement établi et confirmé par la cour de cassation, tant en Belgique qu’en France, que les vices cachés ne peuvent s’appliquer qu’en matière de vente. Or, la qualification juridique de la livraison d’un logiciel est très incertaine : licence d’utilisation, vente, location, contrat sui generis, … en fonction du cas d’espèce la solution variera grandement, avec des conséquences juridiques très différentes.

    Le tribunal a implicitement considéré qu’en l’espèce il s’agissait d’une vente, puisqu’il a accepté d’analyser l’application éventuelle des vices cachés. On aurait aimé quelques explications sur cette qualification et sur le raisonnement qui y a mené.

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