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La guerre contre les moteurs de recherche aura-t-elle lieu ?

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Ayant à se prononcer pour la première fois sur la responsabilité éventuelle d’un moteur de recherche, le Président Jean-Jacques GOMEZ, Premier Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, statuant en référé, a refusé de condamner la société Altavista dans une affaire qui a opposée récemment cette société à Monsieur Bertrand Delanoé. Les faits étaient…

Ayant à se prononcer pour la première fois sur la responsabilité éventuelle d’un moteur de recherche, le Président Jean-Jacques GOMEZ, Premier Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, statuant en référé, a refusé de condamner la société Altavista dans une affaire qui a opposée récemment cette société à Monsieur Bertrand Delanoé.

Les faits étaient les suivants : Monsieur Bertrand Delanoé, sénateur et conseiller de Paris, après avoir constaté l’existence d’un site Internet à caractère érotique dont l’adresse comportait ses nom et prénom, a assigné les exploitants et l’hébergeur de ce site, ainsi que la société Altavista, en sa qualité de moteur de recherche, pour avoir référencé le site litigieux. Il faisait valoir que l’utilisation de son nom pour désigner un site contraire aux bonnes moeurs, ainsi que le référencement de ce site par le moteur de recherche de la société Altavista portaient gravement atteinte à sa dignité, son honorabilité et sa réputation.

Le demandeur reprochait plus particulièrement à la société Altavista un manque de contrôle sur son moteur de recherche et prétendait que cette société était par principe responsable, en raison du simple fait que la société Alatvista était gardienne d’un moteur de recherche dont elle devait avoir la totale et complète maîtrise.

Cette dernière prétention revenait à soutenir que les moteurs de recherche sont en toutes circonstances responsables, quels que soient leurs actes, de la bonne moralité du réseau.

Le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné, à titre provisionnel, les exploitants du site litigieux mais a refusé de condamner la société Altavista considérant que : « la responsabilité du moteur de recherche relève à l’évidence dans le cas d’espèce d’un débat au fond, étant observé, et en tout état de cause, que la société Altavista qui d’initiative a mis en place une procédure d’alerte, a réagi très rapidement pour déférencé le site litigieux ».

En effet, la société Altavista avait fait valoir qu’elle avait, en sa qualité de professionnel sérieux et diligent, mis en oeuvre des moyens d’alerte et de contrôle a posteriori qui l’exonèrent de toute responsabilité.

Ne pouvant matériellement procéder à un contrôle du référencement automatique des sites, la société Altavista a ainsi mis en place sur son propre site une procédure spécifique qui permet de recueillir les observations de toutes personnes intéressées qui auraient à se plaindre du caractère licencieux de certaines pages web apparaissant dans les résultats de recherche et se réserve la faculté, dans les conditions générales d’utilisation de son site, de supprimer tout contenu et/ou lien qu’elle jugerait répréhensible. Ce sont ces procédures d’alerte puis de déréférencement, qui ont été jugées satisfaisantes par le Président du Tribunal, lequel a par ailleurs constaté que la société Altavista avait, dès qu’elle avait eu connaissance du litige, déréférencé le site incriminé.

La spécificité technique du moteur de recherche

De fait, les spécificités techniques d’un moteur de recherche ont une conséquence directe sur la nature des obligations qui peuvent être mises à sa charge.

En effet, un moteur de recherche n’est pas un annuaire. L’indexation des sites ne résulte pas d’une démarche volontaire et sélective. Un moteur est automatisé. Il indexe les sites par l’utilisation de robots qui suivent les liens hypertextes des pages web et procèdent ainsi à la phase d’indexation de tous les documents textuels (ou autres) qu’il rencontre.

L’indexation est complétée par la possibilité laissée au propriétaire du site de préciser l’indexation en indiquant des mots clés au robot, appelés balises Meta tags. L’absence de contrôle humain au niveau de la phase d’indexation est inhérente au fonctionnement même du moteur de recherche dont la vocation est l’indexation exhaustive et non sélective de l’information.

Une obligation de moyens a posteriori

Il ne saurait donc être mis à la charge du moteur une responsabilité a priori qui obligerait celui-ci à effectuer un contrôle systématique de l’information référencée. L’absence de contrôle de l’information au moment du référencement serait d’ailleurs d’une efficacité toute relative : rien n’empêche, en effet, un propriétaire de site d’en modifier le contenu après le référencement et le contrôle éventuel de ce dernier …

Comme l’a jugé le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, dans l’affaire Altavista, les obligations d’un moteur de recherche semblent devoir être limitées à une procédure d’alerte et de déréférencement

La responsabilité du moteur est donc une responsabilité pour faute, qui ne pourrait être engagée que si était démontrée l’absence d’un comportement diligent.

Le débat relatif à la responsabilité des prestataires techniques

Si le moteur n’est pas en soi un intermédiaire technique obligatoire pour disposer d’un accès aux contenus, il est néanmoins aujourd’hui l’outil incontournable de l’accès à l’information. Il pourrait être séduisant de raisonner par analogie avec la responsabilité des fournisseurs d’accès et des hébergeurs. Or, par principe, on ne saurait faire peser sur les moteurs de recherche une responsabilité plus importante que celle qui pèse aujourd’hui sur les prestataires techniques, en particulier les hébergeurs, dont les principes ont été récemment définis dans l’article 1er de la loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

En l’état actuel des textes, il n’existe, en effet, à la charge des hébergeurs aucune obligation générale de surveillance et de vérification a priori. Leur responsabilité n’est engagée que « si ayant été saisis par une autorité judiciaire, ils n’ont pas agi promptement pour empêcher l’accès au contenu litigieux ».

Leur responsabilité est d’autant plus limitée qu’une des dispositions initialement prévue dans la loi a été censurée par le Conseil Constitutionnel le 27 juillet dernier. Cette disposition précisait que la responsabilité de l’hébergeur était engagée si, ayant été saisi par un tiers estimant que le contenu hébergé est illicite, ou lui cause un préjudice, il n’avait pas procédé aux « diligences appropriées ». Ayant été jugée trop imprécise pour servir de fondement à une incrimination pénale, l’expression « diligences appropriées » a été annulée par le Conseil Constitutionnel.

L’existence éventuelle d’une responsabilité en cascade ?

Une tendance semble se dessiner pour raisonner par analogie avec la notion de responsabilité en cascade, appliquée en matière de presse et de communication audiovisuelle (article 42 de la loi du 29 juillet 1881 et article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982).

La loi du 1er août 2000 y fait référence partiellement, le nouvel article 43-10 de la loi relative à la liberté de communication précisant que « les personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication en ligne autre que de correspondance privée doivent tenir à la disposition du public (…) le nom du directeur de la publication ».

La loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par « service de communication en ligne » . Faut-il y inclure les moteurs de recherche ? Si tel était le cas, ce système mettrait en place un obligation objective de contrôle et de surveillance qui permettrait à la victime de trouver, en toutes circonstances, un responsable.

Appliquer le système de la responsabilité en cascade reviendrait à nier la complexité et la spécificité du rôle joué par les différents acteurs sur le réseau. Ceci présupposerait la mise en place d’une gradation des responsabilités entre ces différents acteurs, ce qui est matériellement impossible et en tout état de cause, n’a jamais été débattu. Comment en effet évaluer de façon objective la part individuelle de chacun dans l’accès à l’information sur Internet ? En particulier, celle du moteur de recherche dont le rôle ne peut être assimilé à aucune des missions traditionnellement dévolues aux métiers de la presse et de la communication audiovisuelle ?

Au-delà du débat juridique …

On peut s’interroger sur d’éventuels arguments d’opportunité, qui, au delà du raisonnement purement juridique, prendraient en compte la spécificité du réseau Internet.

En effet, opter pour une responsabilité automatique ou présumée du moteur de recherche, c’est aller à l’encontre de la libre circulation de l’information sur Internet, qui est un objectif ayant la même valeur que la préservation des intérêts particuliers. A ce titre, nul ne peut ignorer le rôle de plus en plus essentiel que joue le moteur de recherche dans l’accès à l’information.

Il existe de facto un conflit entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif, entre la préservation des droits privatifs et de la personnalité, d’une part, et l’intérêt du public à accéder librement à l’information, d’autre part, consacré notamment par l’article 10-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950 qui ne dispose en substance que la liberté d’expression comprend « la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées ».

La vocation première du moteur de recherche est la restitution exhaustive de l’information disponible sur un réseau, l’absence de sélection de l’information lors de sa collecte en est l’illustration parfaite. Faire supporter au moteur de recherche une responsabilité a priori consisterait à faire prendre le risque d’un tri, plus ou moins subjectif, dans l’information.

Conclusion

Si le moteur de recherche, comme tout acteur du réseau, est susceptible de voir engager sa responsabilité en raison de son activité, les cas où cette responsabilité serait engagée devraient cependant rester limités. Il ne saurait en tout état de cause exister une responsabilité de principe, ou encore, automatique, présumée ou a priori.

L’affaire Altavista aurait pu ne pas en rester là. Le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, considérant qu’il était utile de « connaître la position du juge du fond sur l’importante question » de la responsabilité des moteurs, avait accordé la faculté au demandeur de poursuivre son action au fond devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Monsieur Bertrand Delanoé n’a pas souhaité poursuivre… privant ainsi le commentateur de la première décision de fond sur la responsabilité des moteurs de recherche.

Plus d’infos

En consultant le texte de la décision commentée, en ligne sur ce site dans la rubrique « Jurisprudence« .

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