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Comment libérer les hôtels des griffes de Booking, Trivago et consorts ?

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A la demande du secteur hôtelier, plusieurs pays ont voté des lois afin de libérer les hôtels des griffes des plates-formes d’intermédiation. D’autres envisagent de le faire. Derrière un débat technique sur la « clause de parité étroite », il y a toute l’organisation du secteur hôtelier et du tourisme qui est en jeu.

La clause de parité étroite

Vous ne connaissez probablement pas la clause de la parité étroite.

Par contre, vous connaissez certainement Booking, Trivago et autres Expedia. Ces plates-formes de comparaison et réservation d’hôtels sont devenues la porte d’entrée incontournable pour quiconque prépare sur Internet son futur déplacement.

La clause de la parité étroite est une composante essentielle de ces plates-formes.

Il s’agit d’un engagement contractuel pris par l’hôtel, de ne pas vendre sur son site Web des chambres à un prix inférieur à celui qu’il propose sur la plate-forme d’intermédiation. L’hôtel peut pratiquer un prix inférieur dans d’autres circonstances (par exemple un appel téléphonique ou un client qui se présente à l’improviste), mais il ne peut pas, en vertu de cette clause, descendre le prix affiché sur son propre site Web en deçà de ce qu’il annonce sur Booking ou Trivago.

Contrairement à ce que l’on croit parfois, ce n’est pas Booking qui fixe le prix : ce sont les hôtels qui fournissent aux plates-formes d’intermédiation toutes les informations nécessaires à la réalisation des annonces et la fixation du prix. Exemple : si tel hôtel sait que le mardi et le jeudi sont des jours creux, il va autoriser Booking à faire une promotion de 55 % ces jours-là. A l’inverse, si l’hôtel est avisé d’un taux d’occupation élevé des établissements autour de lui, il va réduire la marge de manoeuvre qu’il laisse à Booking (pas de raison de descendre le prix puisque la demande est/sera forte).

Pour Booking, la clause de parité étroite est donc une composante essentielle. En effet, si le public apprend qu’il peut trouver moins cher directement sur le site de l’hôtel, il cherchera et comparera sur Booking mais il ira faire sa réservation sur le site de l’hôtel.

Cette clause n’est pas que le fruit de la volonté des plates-formes d’intermédiation. Elle est aussi en partie le résultat d’une sorte de compromis trouvé par ces plates-formes avec les différentes autorités de la concurrence dans les pays de l’Union européenne.

À l’époque (on parle d’avant 2015), cette clause était accompagnée de ses jumelles : la clause de parité de prix, la parité de disponibilité et les clauses de parité relatives aux conditions de réservation à l’égard des autres agences de réservation en ligne (« online travel agencies » – OTA).

Cela verrouillait considérablement la concurrence au point que plusieurs autorités, saisies de plaintes, se sont intéressées à la question.

En avril 2015, un accord a été trouvé impliquant notamment l’autorité de la concurrence française, la Commission européenne et les autorités italienne et suédoise : Booking.com s’est engagée à renoncer à toutes ses clauses de parité sauf une : la clause de parité étroite.

La loi Macron

En France (pays dans lequel le tourisme est un secteur d’intérêt national), la loi Macron est intervenue pour interdire purement et simplement cette pratique. Il est donc possible d’y trouver des nuits moins chères sur le site de l’hôtel que sur Booking. L’Allemagne, Italie et l’Autriche ont fait de même.

Pour Booking c’est une telle catastrophe qu’elle propose, en réaction, de rembourser au client la différence s’il trouve moins cher. Le but est que le client reste sur Booking pour y faire sa réservation. Dans les faits, la loi n’a donc eu qu’un impact limité. Toutefois, la réaction de Booking est intenable à long-terme sur le plan économique.

La clause de la parité étroite est en vigueur dans la plupart des autres pays de l’Union européenne.

La Belgique a décidé d’intervenir : le ministre vient d’annoncer un projet de loi calqué sur la loi Macron.

La situation est scrutée très soigneusement par d’autres pays, notamment ceux pour qui l’industrie hôtelière et le tourisme représentent des secteurs économiques importants.

Une bonne ou une mauvaise idée ?

C’est évidemment la bouteille à encre.

La situation n’est pas sans rappeler celle vécue par un certain nombre d’éditeurs de presse qui s’étaient opposées à Google News il y a quelques années. Ils avaient remporté une belle victoire judiciaire, mais le moteur avait réagi avec pragmatisme (brutalité diront certains) : puisque vous ne voulez pas qu’on vous référence sans vous payer, nous allons simplement cesser de vous référencer. Aussitôt dit aussitôt fait. L’audience sur les sites Web des éditeurs en question avait chuté drastiquement. La démonstration était faite que l’un a besoin de l’autre, mais que l’autre a besoin du premier.

C’est la même chose qui se produit par rapport à Booking, qui a autant besoin des hôtels que ceux-ci ont besoin d’elle.

a) Du côté de Booking on a des arguments :

Il y a de vrais services qui sont assurés au bénéfice des hôtels, à commencer par le référencement. Or :

  • Le référencement est un métier. Booking emploie une armée de professionnels qui référencent en permanence et affinent sans cesse les paramètres pour avoir un rapport qualité/prix optimal. Ce métier est hors de portée de la plupart des hôtels, qui seraient autrement moins bien référencés.
  • Booking permet de belles économies. L’achat de mots-clés sur Google fonctionne comme une bourse : c’est la loi de l’offre et de la demande qui s’applique. Il suffit de regarder les courbes de prix de certains mots-clés pour comprendre qu’un hôtel familial dans le sud de la France n’a aucune chance par rapport à un groupe hôtelier comme Accor. En quelque sorte, Booking diminue le coût du référencement par l’effet de mutualisation, et met tous les hôtels à égalité.

Un autre service est la réservation proprement dite. Cela nécessite une infrastructure informatique qui n’est pas à la portée de tous les hôtels, surtout de taille modeste.

Il y a encore la publicité indirecte en faveur des hôtels. Selon les chiffres de Booking, 40 % du trafic reçu par le site d’un hôtel provient en réalité de Booking. Le mécanisme est assez simple. Un consommateur effectue sa comparaison sur booking, choisit son hôtel, mais passe ensuite sur le site Web de celui-ci pour avoir plus d’informations et passer commande.

Il y a enfin – et c’est l’argument massue car il affecte directement l’économie du pays – le risque de cannibalisation par les grands groupes.

Booking affirme être la moins mauvaise solution pour maintenir une forme d’équilibre dans le secteur hôtelier. Pour la société, la suppression de la clause de parité étroite revient à permettre aux grands groupes (Accor, Hilton, etc.) d’utiliser leurs ressources financières et humaines pour reprendre la main sur les établissements indépendants et les petites chaines.

b) Du côté des hôtels on a aussi des arguments :

Il y a d’abord le coût de la commission. De 12 à 15 % en fonction du pays et de la région, plus les options (pack visibilité, etc.), ce qui peut amener un coût total de 20 à 25 % du prix de la nuitée. Pour certains hôtels dont la marge bénéficiaire est de 20 %, cela signifie que la nuit ne rapporte tout simplement rien. L’hôtel doit se rattraper sur d’autres choses (restaurant, bar, spa, magasins, etc.) mais tous n’ont pas cette possibilité et leur marge est parfois intégralement mangée par la commission payée à la plate-forme d’intermédiation.

Il y a ensuite le problème de la dépendance économique. Certains établissements, surtout dans le milieu de gamme, sont gérés par des personnes qui sont des professionnels de l’accueil mais pas du marketing. Lorsque Booking est venu les trouver il y a quelques années, ils y ont vu une solution certes coûteuse, mais facile. Au fil du temps, la part de réservation reçue via Booking a augmenté, au point que ces hôtels sont aujourd’hui en situation de dépendance. Booking devait être un appoint pour remplir les chambres en cas de coup de mou ; c’est devenu pour eux la principale source d’apport de clients mais à des conditions économiques trop difficiles. Ces hôtels veulent reprendre leur indépendance.

Il y a encore le principe même de la liberté tarifaire qui choque plusieurs exploitants. Ceux-ci considèrent que dès l’instant où ils payent une commission à Booking, ils ont rémunéré le service que la société leur fournit. Ils retrouvent donc leur liberté tarifaire.

Un beau débat donc …

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