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La géolocalisation d’un trafiquant de drogue doit être « prévue par la loi »

Publié le par - 2841 vues

La France condamnée par la CEDH. La « manifestation de la vérité » n’est pas une base légale suffisante permettant à un juge d’instruction d’ordonner une géolocalisation en temps réel de personnes soupçonnées de trafic de drogue. L’expression est trop floue et la jurisprudence pas assez claire.

De 2009 à 2010, les frères B. F. furent soupçonnés d’être impliqués dans un trafic de stupéfiants de grande ampleur à la Courneuve et firent l’objet de plusieurs mesures de surveillance que l’on peut résumer comme suit :

  1. Le 24 juillet 2009, sur autorisation du procureur de la République, un opérateur de téléhonie se voit adresser une réquisition judiciaire afin d’identifier les appels entrants et sortants sur quatre lignes téléphoniques ainsi que les cellules activées par ces lignes.
  2. Quelques semaines plus tard, les enquêteurs souhaitent géolocaliser le véhicule. Il s’adressent à un juge di’nstruction. Le 10 mai 2010, celui-ci leur donne l’autorisation verbale d’apposer un dispositif technique de localisation sur un véhicule Renault Laguna, utilisé par les frères B. F. et d’autres personnes impliquées dans le trafic de stupéfiants.
  3. Quelques semaines passent. Les enquêteurs veulent aller plus loi et géolocaliser en temps réel. Le 3 juin 2010, le juge d’instruction ordonna la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet de capter, fixer, transmettre et enregistrer les conversations des personnes utilisant le véhicule Renault Laguna et, sur le fondement de l’article 81 du code de procédure pénale (CPP), la mise en place, pour une durée d’un mois, d’un dispositif de géolocalisation de ce véhicule par GPS.

L’exploitation des données issues de ces mesures permit aux enquêteurs de savoir que le véhicule s’était déplacé le 9 juin 2010 aux Pays-Bas pour importer des produits stupéfiants.

Ainsi, M. B. F. et ses complices furent arrêtés et placés en garde à vue, puis mis en examen des chefs d’acquisition, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants en bande organisée et d’importation de stupéfiants.

C’ets la décision de géolocalisation en temps réel du 3 juin 2010 qui pose le plus gros problème.

Certes, elle a été autorisée par un juge d’instruction, mais y avait-il une base légale suffisante pour ce faire ?

Une ingérence ?

Sans surprise, la CEDH conclut à l’existence d’une ingérence. Elle observe que le dispositif de géolocalisation par GPS et les données qui en sont issues ont permis aux enquêteurs de connaître en temps réel les déplacements de M. B. F.. Cette mesure était associée à un dispositif technique permettant de capter et enregistrer les conversations des personnes se trouvant dans le véhicule, soumettant ainsi M. B. F. à une surveillance particulièrement étroite. Ainsi, la Cour considère que la géolocalisation par apposition d’un récepteur GPS sur le véhicule, ainsi que le traitement et l’utilisation des données obtenues, s’analysent en une ingérence dans la vie privée de l’intéressé.

Une ingérence « prévue par la loi » ?

En ce qui concerne la question de savoir si l’ingérence était prévue par la loi, la Cour relève que l’article 81 du CPP, appliqué en l’espèce, fait simplement référence à une notion de portée très générale, à savoir des « actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité ».

La Cour rappelle qu’elle a déjà jugé, dans le cadre d’affaires relatives à des écoutes téléphoniques, que l’article 81 du CPP, même lu en combinaison avec d’autres dispositions du CPP, n’offrait pas la « prévisibilité » exigée par l’article 8 de la Convention.

Par ailleurs, elle constate que l’imprécision de la loi française, au moment des faits, ne peut être compensée par la jurisprudence des juridictions internes, l’arrêt de la Cour de cassation, rendu en l’espèce le 22 novembre 2011, étant le premier à se prononcer sur la légalité de la géolocalisation au cours d’une information judiciaire.

En tout état de cause, la Cour estime, à supposer que l’article 81 du CPP ait pu constituer à lui seul une base légale à la géolocalisation, que celle-ci aurait également dû satisfaire aux critères de prévisibilité et de l’existence de garanties adéquates et suffisantes contre le risque d’abus inhérent à tout système de surveillance secrète. Or, sur ce point, la Cour observe que de telles garanties ne ressortent ni des termes de l’article 81 du CPP ni de la jurisprudence interne.

Par conséquent, la Cour considère que dans le domaine des mesures de géolocalisation, le droit français, écrit et non écrit, n’indiquait pas, au moment des faits, avec assez de clarté l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités. Elle conclut donc que M. B. F. n’a pas joui du degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique et qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.

Commentaires

Depuis lors, avec la loi du 28 mars 2014, la France s’est dotée d’un dispositif législatif encadrant le recours à la géolocalisation et renforçant la protection du droit au respect de la vie privée.

Plus d’infos en lisant l’arrêt rendu, disponible en annexe.

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