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Un accusé peut interdire à la presse de montrer son visage

Publié le par - 3347 vues

Un procès criminel est le plus souvent une affaire impliquant des personnes inconnues qui ont traversé un épisode tragique dans leur vie privée. Dans ces conditions, interdire à la presse de montrer le visage non flouté de l’accusé – présumé innocent – pendant le procès, est une ingérence proportionnée à l’objectif poursuivi de protection de l’image et de la présomption d’innocence de l’accusé.

Décidément, rien ne va plus à la Cour européenne des droits de l’homme pour ce qui concerne les médias et organes de presse.

Il y a eu l’arrêt Delfi, qui les a rendus responsables, dans certains cas, des commentaires haineux que des lecteurs ont postés en regard des articles publiés.

Plus récemment, il y a eu l’arrêt Satakunnan, qui a recadré le périmètre de l’activité journalistique.

Plus récemment encore, il y a eu l‘affaire Betancourt, qui semble considérer qu’un article de presse qui révèle la conviction du journaliste pourrait mettre en péril la présomption d’innocence de la personne poursuivie, même vis-à-vis de juges professionnels (voir arrêt en annexe).

Voici à présent un (nouvel) arrêt Springer, qui permet dorénavant, sous conditions, d’interdire à la presse de montrer le visage d’un accusé lors de son procès.

Principaux faits

Les requérantes sont deux entreprises de médias allemandes : la société d’édition Axel Springer SE, sise à Berlin, et l’entreprise de radiotélédiffusion RTL Television GmbH (« RTL »), sise à Cologne.

Les deux entreprises avaient couvert le procès pénal de S., un jeune homme qui avait avoué à la police avoir tué ses parents et avait été accusé de meurtre en juin 2010. Une expertise psychiatrique réalisée à la demande du parquet avait conclu que le jeune homme souffrait de troubles schizoïdes de la personnalité au moment de la commission de l’infraction. Des photojournalistes travaillant pour l’une et l’autre entreprise assistèrent aux audiences tenues devant le tribunal régional de Potsdam.

Avant le début de la première audience, tenue le 11 janvier 2011, le président de la formation de jugement informa les journalistes que le visage de l’accusé devrait être rendu non identifiable avant que des images de lui ne puissent être publiées.

Devant la Cour, les requérantes affirmaient que le président avait précisé que les journalistes qui ne respecteraient pas cette décision ne pourraient pas assister aux audiences qui se tiendraient devant la tribunal régional de Potsdam pour prendre des images du procès. Le Gouvernement contestait cette affirmation, soutenant que le président n’avait jamais menacé d’interdire aux journalistes d’assister à la suite du procès.

Quelques jours après la première audience, le président adressa à plusieurs journalistes, dont ceux des entreprises requérantes, une décision motivée dans laquelle il indiquait que seuls ceux qui s’étaient inscrits auprès du tribunal et qui avaient fourni l’assurance que le visage du jeune homme serait rendu non identifiable (par exemple flouté) avant publication des images qu’ils prendraient seraient autorisés à filmer ou photographier le procès. Il notait en particulier que les droits de la personnalité de S., qui n’avait jamais fait l’objet de l’attention du public et qui avait expressément demandé à ce que son identité ne soit pas révélée, l’emportaient sur l’intérêt du public à être informé.

Les entreprises requérantes contestèrent cette décision et demandèrent sa suspension, soulignant que S. avait avoué le meurtre dès le premier jour de la procédure. Le président maintint sa décision. Les entreprises portèrent l’affaire devant la Cour constitutionnelle fédérale. En février 2012, celle-ci refusa d’examiner leur recours. Entre-temps, S. avait été reconnu coupable de meurtre.

Décision de la CEDH

La Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10. Elle considère que le juge national a examiné le conflit entre les intérêts en présence et appliqué les dispositions pertinentes du droit interne après avoir soigneusement soupesé les éléments à prendre en compte.

Notamment, la décision du juge était proportionnée au but légitime visé, à savoir la protection des droits de la personnalité de S. pendant son procès, durant lequel il devait être présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. En effet, la décision n’imposait pas une restriction particulièrement sévère à l’activité de reportage. Elle ne limitait pas la prise d’images en tant que telle, mais interdisait seulement la publication d’images sur lesquelles S. serait reconnaissable.

De plus, l’affaire pénale ne présentait qu’un intérêt public limité, et des informations relatives à l’apparence physique de S. n’auraient pas apporté de contribution importante au débat sur le procès. Il est indéniable que S. n’était pas un personnage public. Des photographies de lui avaient déjà été publiées dans certains journaux allemands avant l’audience, mais elles le montraient à un âge beaucoup plus jeune et ne permettaient donc pas au public de l’identifier. S. n’avait jamais recherché l’attention des médias et ne s’était jamais exprimé publiquement. Au contraire, il avait expressément demandé à être protégé de toute publication permettant de le reconnaître.

En ce qui concerne le fait qu’il avait avoué le meurtre, tant devant la police qu’au début de la procédure, la Cour souligne que des aveux ne soustraient pas en eux-mêmes l’accusé à la protection de la présomption d’innocence pendant le procès. Cette considération vaut a fortiori en l’espèce, où S. souffrait de troubles schizoïdes de la personnalité, de sorte que le tribunal devait examiner soigneusement ses aveux pour déterminer s’ils étaient exacts et fiables. Enfin, il faut tenir compte du fait que la publication d’images sur lesquelles l’accusé est reconnaissable peut nuire à la réinsertion ultérieure de l’intéressé dans le cas où celui-ci serait reconnu coupable.

Plus d’infos en lisant l’arrêt rendu, disponible en annexe.

Droit & Technologies

Annexes

Affaire Giesbert (Bettencourt)

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