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Législation sur les jeux de hasard : le Portugal n’est pas un pays comme les autres

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A l’heure où de nombreux gouvernements s’activent pour mettre en œuvre une législation sur les jeux de hasard conforme aux attentes de la Commission européenne, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) rend un arrêt propice aux monopoles nationaux qui pourrait ainsi mouvementer la politique communautaire de libéralisation des jeux.

Dans un arrêt du 8 septembre 2009, la CJCE s’est prononcée sur une demande de décision préjudicielle présentée dans le cadre d’un litige opposant la Ligue portugaise de football et l’opérateur de jeux Bwin à la loterie nationale portugaise Santa Casa. Cette dernière contestait, sur le fondement de la législation portugaise lui conférant un monopole d’organisation et d’exploitation des jeux de hasard, le contrat de partenariat conclu entre la Ligue et Bwin ainsi que les publicités y afférentes.

En conséquence, la juridiction de renvoi a demandé au juge communautaire de préciser l’interprétation des articles 43, 49 et 56 du Traité CE au regard de la réglementation portugaise conférant un monopole d’exploitation des jeux de hasard sur Internet à Santa Casa.

Après avoir rapidement écarté l’application des articles 43 et 56 du Traité au présent litige, la CJCE a considéré que « l’article 49 du Traité CE ne s’oppose pas à une réglementation d’un Etat membre, telle que celle en cause au principal, qui interdit à des opérateurs, comme Bwin, établis dans d’autres Etats membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par l’Internet sur le territoire dudit Etat membre ».

Un arrêt dont il convient d’en apprécier la substance

La CJCE admet, en vertu d’une jurisprudence bien établie (Gambelli, Placanica), que la réglementation portugaise comporte une restriction à la libre prestation des services prévue à l’article 49 du Traité. Néanmoins, à ce stade, un tel constat n’est pas de nature à condamner directement une législation nationale.

En effet, comme le précise la Cour, la liberté de prestation de service peut faire l’objet de restrictions si celles-ci sont justifiées conformément aux règles du Traité ou à la jurisprudence communautaire relative aux raisons impérieuses d’intérêt général.

A cet égard, le juge communautaire a relevé que l’objectif poursuivi par la réglementation portugaise, à savoir la lutte contre la criminalité et la fraude à l’égard des consommateurs, est une justification envisageable au titre des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il que cette justification satisfasse aux principes jurisprudentiels dégagés par le Cour en la matière (Gambelli, Placanica, Schindler, Läära) et notamment au test de proportionnalité.

Sur ce point, la CJCE a jugé que, eu égard aux particularités liées à l’offre de jeux de hasard par l’Internet, l’objectif de lutte contre la fraude et la criminalité, poursuivi par le gouvernement portugais, était un objectif légitime, nécessaire et proportionné qui justifiait la réglementation restrictive en vigueur au Portugal.

Selon la Cour, en l’absence d’harmonisation communautaire dans le secteur des jeux de hasard sur Internet, l’établissement d’un opérateur tel que Bwin dans un autre Etat membre au sein duquel il propose légalement des services de jeux sur Internet en étant déjà soumis à des conditions légales et de contrôle, « ne saurait être considéré comme une garantie suffisante de protection des consommateurs nationaux contre les risques de fraude et de criminalité ». En outre, en raison du manque de contact direct entre le consommateur et l’opérateur, les jeux de hasard accessibles par l’Internet comportent des risques de nature différente et d’une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux.

De ce fait, l’article 49 ne s’oppose pas à une réglementation d’un Etat membre, telle que celle en cause, qui interdit à des opérateurs établis d’autres Etats membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par l’Internet sur le territoire dudit Etat membre.

Un arrêt dont il convient de relativiser la portée

A notre sens, même s’il a été rendu par la Grande Chambre de la CJCE, la portée de cet arrêt doit être relativisée. Il s’agit, en réalité, d’un arrêt d’espèce puisque l’approche et la réponse à la question préjudicielle donnée par la Cour se fondent exclusivement sur des éléments de faits relatifs à la réglementation spécifique en vigueur au Portugal.

D’ailleurs, la CJCE énonce que chaque législation nationale en matière de jeux de hasard est unique et spécifique en raison notamment de divergences considérables d’ordre moral, religieux et culturel existant entre les Etats membres. Il en résulte un caractère singulier de l’examen de chaque législation nationale relative aux jeux.

En outre, interpréter largement cet arrêt, qui tend à limiter l’effectivité du principe de reconnaissance mutuelle dans le secteur des jeux d’argent, reviendrait à dénuer de tout sens la lettre de l’article 49 du Traité CE.

De surcroît, l’arrêt s’inscrit dans la lignée des décisions CJCE en ce sens qu’une législation nationale instituant un monopole n’est pas, à priori, incompatible avec le droit communautaire dès lors qu’elle est cohérente.

En tout état de cause, outre l’article 49, les opérateurs de jeux ont toujours la possibilité de se fonder sur une application combinée des articles 10 et 82 avec l’article 86 § 1 pour contester les monopoles nationaux.

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